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3 novembre 2013 7 03 /11 /novembre /2013 21:46
Suite à des problèmes techniques, il semble nécessaire de poursuivre les aventures de Tante Gaïd et Tonton Lom dans un nouvel article Ma Doué 2. Avec les excuses de Spartacus
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Pétition nationale pour obtenir la création du domaine breton sur internet. Principaux signataires:Gilles Servat,Melaine Favennec, Gweltaz Ar Fur, Roger Gicquel, Dan Ar Braz, les Bretons de Clamart, et plus modestement votre serviteur. A ce jour, plus de 8000 signatures. Pourquoi pas la vôtre. Consulter le site:
Le 7 avril 2006
Après le voyage d'hier, tout le monde avait envie de souffler un peu. Et puis, on attendait les nouvelles de Guiguitte qui arriverait sûrement, mais quand ? Tante Gaïd ne savait jamais trop où sa fille se trouvait exactement, et c'était fait exprès car, avec tout ce qu'on voyait et entendait à la télévision, toujours des morts partout, elle aurait pu s'inquiéter. Tout ce qu'on lui disait c'est que cette fois-ci, c'était l'Afrique, sans plus. Seule la directrice en savait un peu plus pour le cas où...,mais rien ne sortait du bureau, si bien que Jeanne-Yvonne faisait chou-blanc pour aller raconter au recteur. La directrice savait très bien que Abidjan, ce n'était pas une panne de l'avion, mais que Guiguitte s'était arrêtée pour embrasser son mari. Et n'allez pas croire des choses compliquées, alors que c'est simple. Voilà. Guiguitte était allée un jour au Cambodge, toujours médecin sans frontières, pour essayer de s'occuper des gosses qui sautaient sur les mines, qu'il fallait amputer, consoler et leur apprendre à vivre avec leur malheur. Vous n'avez jamais vu le résultat d'une explosion de mine ? Ce n'est pas beau à voir. Donc au Cambodge, il y avait aussi des militaires venus de France pour essayer de déminer, et Guiguitte et le jeune capitaine s'étaient trouvés des points communs: une réparait les hommes, l'autre réparait la terre comme il pouvait. Et voilà. Le résultat: un mariage, et 2 gosses qui voyaient leurs parents de temps, qui passaient toutes leurs vacances dans le Cap, car le père adorait ce coin-là. Son grand plaisir c'était d'aller aux ''pouce-pieds'' avec ses gosses, et les gosses aimaient ce père qui leur montrait tout ce que l'on pouvait faire, en préparant bien son affaire. Pour les ''pouce-pieds'', vu que tout çà a déjà été raconté par Madame Jeanne Nabert, originaire de Pont-Croix, la fille du docteur Neiss qui a écrit ''le cavalier de la mer'', on n'en dira pas plus. Sachez seulement que le capitaine (devenu colonel) accrochait une corde sur le haut de la falaise, l'envoyait en bas, puis expliquait aux enfants comment il fallait faire pour descendre sans risque, et surtout pouvoir remonter avec les pouces-pieds (anatifes). Il était même un peu ''casse-...'', au point que Tugdual lui disait toujours:
- Tu rabâches Papa
- Et le père répondait. Quand on est responsable, on doit prévoir. Ce n'est pas après, mais avant. Toujours envisager ce qui peut arriver, et prendre les dispositions pour que tout se passe bien. Dans mon métier, après ce sont des morts d'hommes, toujours pour rien; Avant ce sont des économies d'hommes et des mamans qui retrouvent leurs gosses sans avoir à pleurer.
- Et Tugdual lui renvoyant la balle ! Ce n'est pas comme à Audierne par conséquent. D'abord on fait sans prévoir, et après on fait l'inventaire de tout ce qu'on aurait pu éviter, comme le mur de la honte. Une petite clause restrictive au permis et voilà. Permis accordé sous réserve de .... (on ne vous a pas dit mais Tugdual avait commencé son droit )
C'est là que Brigitte Edwett plaça son couplet:
- Oui, et encore à Audierne. Il y a une rue Clemenceau et à l'entrée, il faut voir çà. Clemenceau n'a décidément n'a pas de chance. Si tu voyais ce qui est, paraît-il un ancien abattoir. L'autre jour la porte était ouverte et j'ai vu ... Décidément Clémenceau, le ''père la Victoire'' n'a pas de chance. C'est déjà un tas de ferraille , et il lui faut les épaves de bagnoles d'Audierne en plus maintenant . Enfin, pourvu qu'on nous amène pas ce monument historique sur ma plage, à Pors Kanapé
Là, le colonel avait toussé. Hum !! Cela signifiait qu'il était temps de s'arrêter, et à chaque fois çà marchait. Une seule fois il avait été obligé de poursuivre:
- Si çà continue je vais vous foutre mon pied au ...
Et les enfants avaient compris que quand il avait toussé, c'était terminé. Il avait été formé à la rude, puisque son père avait été dans l'armée avant lui et que sa jeunesse avait été bercée par les histoires d'Algérie, les harkis et tout le reste.
Pour autant Brigitte-Edwett voulait avoir le dernier mot. Son père la regarda droit dans les yeux et elle ne termina pas la phrase commencée.
Dans cette ambiance, la vieille Tante Gaïd se sentait souvent dépassée. Lorsqu'il avait été question d'aller au foyer-logement, on avait découvert que sa maigre retraite était insuffisante. Evidemment, elle avait beaucoup travaillé, mais on avait souvent oublié de la déclarer. Lorsqu'il fut question de vendre la maison pour pouvoir payer, c'est le colonel qui, sans consulter sa femme avait dit :
- Il n'en est pas question Mamm! D'ailleurs tout est déjà réglé. ne vous occupez de rien. C'est mon affaire. Et vous gardez votre retraite pour faire ce que vous voulez, le Noël de ces bons à rien par exemple !!
Il ne parlait pas beaucoup,mais pour une fois...on l'avait entendu
La pauvre vieille se laissait diriger, elle qui avait tenu tête à plus fort qu'elle, par exemple au recteur quand il lui avait refusé l'absolution pour cause ''d'école du diable'' fréquentée par Guiguitte. Sans savoir le dire, elle distinguait déjà le fond de la forme, et même l'esprit de la lettre des choses. Une intelligence inculte sans doute, mais un bon sens incontestable allié à une volonté farouche. Et Guiguitte avait poursuivi à ''l'école du diable''.
Ce qu'elle aimait plus que tout c'est quand Tugdual venait près d'elle, lui prenait la main, serrait cette main toute ridée dans sa main de jeune en pleine santé, et lui disait;
- Mamy, raconte moi, quand on était pauvre
Et elle se laissait aller à raconter
Brigitte-Edwett était plus ''follasse''. Enervée par tout ! Et le vocabulaire je te dis pas. Sans compter les tenues ! les folies bergères dans le Cap ! Un perle dans le nez, une espèce de bigoudi dans le nombril toujours visible vu la longueur du pull-over, des mèches rouges dans les cheveux et un pantalon bon pour remplacer la balayeuse à Audierne. Elle adorait son frère avec lequel elle cohabitait dans l'appartement parisien, à Clamart, en l'absence des parents. Un jour elle avait demandé à son frère:
- Tugdu, tu m'emmènerais pas avec ta tire acheter des clopes au Bar-Avel ( moulin de Kerharo à Cleden); je suis à sec et je te paierai un coca avec le reste des tunes que tu m'avanceras pour les clopes
Et son frère lui avait répondu:
- Si tu crois que tu vas réussir à Sciences-Po comme çà, tu te goures!
Et elle toujours le dernier mot
- plus c..que moi a déjà réussi et.....
Et ils étaient partis ensemble
Mais avec sa grand-mère, prévenante, affectueuse, toujours la première pour ramasser la canne tombée par terre ou apporter un coussin supplémentaire. Une vraie gamine!!
Tante Gaïd revivait tout cela, en tâtant son chapelet qui ne la quittait pas, au fond de sa poche pour ne pas contrarier tonton Lom. Personne n'avait entendu le téléphone, absorbés comme ils étaient. C'était Guiguitte, arrivée à Pluguffan, qui prenait un taxi et annonçait son arrivée.
Le 8 avril 2006
Effectivement, Guiguitte était arrivée comme prévu. Après avoir embrassé Tante Gaïd, elle se tourna vers tonton Lom et lui dit:
- Bonjour Monsieur
Le pauvre vieux ne savait plus quoi faire et heureusement Guiguitte demanda à tante Gaïd si elle pouvait monter dans sa chambre, pour un brin de toilette.
- Bien-sûr dit tante Gaïd, montons.
La toilette était un faux prétexte, vu qu'elle était fraîche comme le printemps. Ce qu'elle voulait c'était une conversation avec sa mère. Et tante Gaïd raconta que de temps en temps, le cafard parce que les enfants étaient loin, et que finalement même à son âge ils ne feraient de mal à personne, que tonton Lom, bien que un peu bolchevick était un brave homme qui avait connu le malheur, la guerre aussi, qu'il était seul et que sais-je encore...
- en fait dit Guiguitte, ce que tu me demandes c'est de le prendre comme le père que je n'ai jamais eu ?
- Si, tu as eu un père, mais il n'est pas revenu d'Indochine, disparu quelque part au Tonkin, peut-être à Dien Bien Phù
- Donc j'ai tout de même eu un père qui est mort par la guerre, en Extrême Orient ce que je ne savais pas. Et tu me demandes de prendre tonton Lom à sa place
- Si tu ne veux pas, je lui dirai que j'ai changé d'idée, et j'espère que nous resterons amis.
- Descendons !!
En bas, en entendant l'ascenseur, tout le monde s'était arrêté de parler. Plus un bruit. Et Guiguitte en s'avançant vers le vieillard lui dit très simplement:
- Bonjour Papa
Ma Doué ! Et tout le monde s'embrassait là dedans, le plus ému étant tonton Lom qui bégayait, en breton, en français:
- Ma Merc'h, ma fille, ma Merc'h vihen (petite fille)
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Jeanne-Yvonne gardait son sang froid, et commençait à faire des réunions en disant que '' c'était pas tout, mais qu'elle avait des responsabilités pour préparer la noce.
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A force de faire des réunions, on s'était vite aperçu que, sans aide extérieure on n'y arriverait pas. Les choses avaient fini par s'ébruiter, vu le côté inhabituel de l'évènement, qui devenait l'évènement du Cap, et même au-delà. Les autorités avaient été alertées. La communauté de communes décida donc de faire une réunion au foyer-logement pour évaluer la situation. Toutes les municipalités, et le recteur de Pont-Croix, convoqués par courrier spécial, s'étaient retrouvés dans la salle à manger du foyer-logement et on commença l'inventaire des problèmes à résoudre.
Côté finances, si nécessaire la communauté était prête à donner une subvention pour participer à certains frais, étant donné la portée de l'évènement. Audierne fit obstruction, arguant que tout cela concernait Pont-Croix, et pas la communauté. Ma Doué ! T'aurais vu comment il s'était fait shooter par Jeanne-Yvonne:
- Forcément, toujours pas de sous à Audierne, avec toutes les bagnoles que vous avez à entretenir
Vexé, le responsable avait quitté la salle en disant qu'il ne reviendrait pas. Tous les petits vieux avaient applaudi et on avait même entendu:
Bon voyage
Le président avait dû calmer le jeu en disant:
- L'incident est clos. On continue
Pour la cérémonie à la mairie, c'était simple. Une formalité comme d'habitude. Les choses allaient se compliquer avec le recteur, vu que tonton Lom n'était pas en mesure de fournir les papiers de son baptême. Jeanne-Yvonne reprit la parole:
- Moi, j'ai connu une dame qui m'a dit qu'elle avait assisté à la confirmation à Meilars, quelle année au juste elle ne savait plus, et que vu que il n'y avait plus de paroisse à Meilars, on aurait du mal à trouver des témoins. Il n'y avait qu'à demander à tonton Lom et l'affaire serait classée.
Tonton Lom, le bolchevick dut avouer que , les gens chez lesquels il gardait les vaches avant la marine, étaient de ce côté là et qu'il avait fait comme les autres;
L'honneur était sauf. il ne restait plus au recteur qu'à s'incliner, vu l'impopularité qu'il aurait eu à s'opposer au mariage.
La cérémonie religieuse ne posait pas de problèmes d'organisation. Un mariage est un mariage. mais les discussions avaient repris pour savoir qui on devait inviter puisque l'évènement n'était pas courant et qu'il faudrait bien recevoir les grands responsables. Là, Plouhinec avait fait remarquer qu'ils étaient la plus grande commune du Cap, et qu'à ce titre ils avaient des droits préférentiels. Goulien avait répondu que Tante Gaïd était de Goulien ce qui lui donnait aussi des droits prioritaires. Et çà avait commencé à s'énerver, car chaque commune estimait qu'elle devait passer avant l'autre. C'est là que Guiguitte prit la parole. Ecoutez !!
- Bonjour Messieurs. Si je comprends bien, vous êtes en train d'accaparer un évènement qui est tout d'abord familial. Ceci est une première remarque.
Là tout le monde était resté couac, en se rendant compte que la fille de l'employée de ferme avait l'habitude de s'exprimer en public, et qu'il ne ferait pas bon d'essayer de lui tenir tête.
- Je constate que vous êtes en train de vous battre pour des choses qui n'en valent pas la peine. Si vous saviez d'où je viens, si vous aviez vu ce que j'ai vu, des gosses vendus comme esclaves par exemple, vous vous rendriez compte que vous êtes à côté de vos pompes. (Un peu le même langage que sa fille). Vos clochers c'est complètement dépassé. Vous gémissez sans arrêt, et tout le monde s'en rend compte, si bien qu'il est facile de tout vous promettre au bon moment, avant les élections par exemple, et de s'empresser d'oublier ensuite. Vous croyez que vous vous en sortirez avec un demi port à Audierne et l'autre demi port à Plouhinec, de même qu'une demi plage à Audierne et l'autre demi plage à Esquibien (là, il aurait été facile de mettre une épave de bagnole mais ne troublons pas le discours). En clair, on peut prendre son bain à Audierne et se noyer à Esquibien si on longe la plage. Cleden et Goulien ce n'est pas mieux, à Plogoff la plage de la Baie des Trépassés se partage avec Cleden et ailleurs, comme au Loch c'est pareil. Les Antillais sont plus malins que vous. Ils savent qu'ils sont incontournables au moment des élections et voyez le résultat. Ce qu'il vous faut c'est l'union. Mettez vos rivalités de côté et c'est ensemble que vous obtiendrez quelque chose. Sinon je vous préviens , je ne permettrai pas que l'évènement familial qui vous a réunis soit médiatisé. Ce sera l'intimité et sans vous ! Faites en part autour de vous ainsi qu'à celui qui a quitté la salle, un suppléant je crois !!
Un grand silence avait suivi cette intervention, bientôt interrompu par un tonnerre d'applaudissements. Tout le monde était debout pour embrasser Guiguitte, et le Président reprit la parole:
- Vous avez raison Madame. Votre message est bien reçu. Vous pouvez compter sur nous
Et Tonton Lom,( serrant la main de tante Gaïd) d'ajouter:
- Tu as vu notre fille ? C'est l'avenir çà
Le 9 avril 2006
Puisque tout le monde semblait sur la même longueur d'onde, il ne restait plus qu'à demander à chacun de proposer au président une liste d'invités qui serait soumise à la famille. Mais l'essentiel restait à résoudre: ce que l'on appelle pompeusement la logistique, c'est à dire ce qui suit la partie officielle, ce que Brigitte-Edwett aurait appelé ''un coup à boire et une petite bouffe''.
Jeanne-Yvonne s'était proposée pour choisir le menu. Elle avait dans ses archives des souvenirs des meilleurs hôtels, ce qui lui permettrait de faire des suggestions. Considérant que là n'était pas l'essentiel, le président demanda si quelqu'un avait une idée sur la manière de trouver le personnel nécessaire. Beuzec, toujours inspiré comme d'habitude, demanda la parole:
- Et si on demandait la participation des comités d'animation ?
L'idée fut retenue à l'unanimité des présents et cela n'avait pas d'importance pour les absents comme Audierne, vu que le comité audiernais n'était pas du même bord que la direction locale ce qui obligatoirement l'amènerait à participer, ne serait-ce que pour....
La demande d'adhésion lancée par téléphone était honorée dans le premier quart d'heure: Beuzec proposait les tracteurs agricoles et le matériel de la fête des bruyères; Audierne avait simplement répondu présent; Plouhinec disait que tous les supporters de l'ASP (Association sportive plouhinécoise) seraient là; Confort faisait valoir son expérience de la fête des 4 clochers et passons car, pour une fois tout le monde était d'accord. Il ne restait plus qu'à faire un plan de la fête qui se déroulerait sur les berges du Goyen, à affecter un emplacement à chacun, sans oublier l'essentiel:
La publication des bans
Ici, on ne va plus mettre de dates, étant donné qu'un certain délai est à respecter entre la publication des bans et la cérémonie? Sachez seulement que tout s'accélérait, que l'on commençait à installer des tentes le long du Goyen, que tous les comités d'animation du Cap étaient là, que la SNSM avait promis d'étudier la marée pour voir s'il y aurait suffisamment d'eau pour que les bateaux puissent remonter la rivière, bref que Pont-Croix connaissait une animation exceptionnelle et même des difficultés de circulation. Tugdual était en vacances pour réviser avant les examens, et il proposa à ceux qu'il considérait désormais comme ses grands-parents de faire un petit tour dans le Cap. Ils étaient donc partis en direction des Quatre-Vents, pour tourner à droite assez rapidement et s'arrêter à Lannourec devant le calvaire
Tugdual qui avait commencé à étudier l'histoire locale, avec peut-être une arrière pensée que ... Il partait du principe que pour comprendre le présent, il fallait connaître et même bien connaître le passé. C'est la raison pour laquelle il aimait faire parler sa grand-mère, et là, comme disait Brigitte -Edwett
- ''y en des qui feraient bien de prendre de la graine, au lieu de pérorer dans leur bunker bourge (bourgeois) d'où ils ne voyaient rien''
Bon passons! Il s'était mis à expliquer que la pierre verticale que l'on voyait près du calvaire n'était pas un menhir, mais une stèle de flagellation. Autrefois, les seigneurs faisaient lier leur ''domaniers '' à cette stèle quand ils n'avaient pas acquitté leurs redevances. Puis, ils les faisaient fouetter pour leur apprendre le bon chemin ''si l'on peut dire''. (Sur la première photo, on peut remarquer un chien qui est vu de dos mais qui a une tête connue). Tante Gaïd, une main dans la poche sur le chapelet, se disait qu'il y avait eu encore plus de misère que ce qu'elle avait connu. Puis, on avait continué en direction de Cleden et justement sur la route il y avait un manoir. On ne s'y était pas arrêté vu que c'était privé; juste un coup d'oeil:
Question environnement, je te dis pas !! Quand tu penses aux bagnoles d'Audierne et d'Esquibien....N'en parlons pas tellement c'est honteux !! En passant devant le village de Kerbeulec, Tante Gaïd avait fermé les yeux. Aujourd'hui tout était triste, même un peu mort, comme quelqu'un qu'elle avait connu autrefois et qui avait travaillé là. On ne pouvait pas s'arrêter partout, tellement il y avait de choses à voir. Tugdual avait accélèré en disant qu'on allait à la pointe du Van parce que Saint They, qui était le frère de Saint Tremeur ...
Bon, pour les explications, allez voir le site de cap-sizun.com et en cherchant un peu vous trouverez tout, même la légende de Conomor, le ''Barbe-Bleue'' breton, et bien d'autres choses encore
le petit port du Vorlen
et descente vers la Baie des Trépassés: Bae an Anaon
Là, Tante Gaïd avait demandé à Tugdual de s'arrêter parce qu'elle voulait dire quelque chose:
- Tu vois cet hôtel (en regardant l'hôtel le plus au nord). Et bien, j'ai aussi fait une saison ici. A l'époque c'était plus petit et il n'y avait ni eau ni électricité, et malgré cela tout était retenu en permanence. Pour la toilette: un broc et une cuvette, avec un seau pour les commissions. Nous, on allait avec la brouette chercher l'eau à Kerludu, le village près du Vorlen, et tout le monde était content. La patronne s'appelait Ti Marjan et son mari Tonton Lan (Marie-Jeanne et Alain). Après le repas, les touristes venaient à la cuisine aider à faire la vaisselle et tout le reste. L'hôtel s'appelait : hôtel de la ville d'Ys. Il y avait un gros chien, gentil comme tout qu'on appelait ''Skoulm'' (noeud); Un terre-neuve je crois. Et en plus, la pêche avec le bateau... Les paysans aussi qui amenaient leurs vaches sur la dune et quand ils étaient partis on ramassait les bouses que l'on faisait sécher au soleil. Bien sèches, elles servaient à allumer le feu que l'on entretenait ensuite avec de la tourbe, des herbes très serrées, découpées en motte dans l'étang de Laoual, juste à côté
- Tu me diras plus tard avait dit Tugdual car l'heure tourne
En route pour la pointe du Raz
Là tante Gaïd avait demandé à voir la statue de Notre Dame des Naufragés
Tonton Lom ne s'insurgeait plus pour les chapelets. Il en avait pris son parti;
Il avait fallu envisager le retour, par la plage d'Audierne bien-sûr. On ne s'était pas arrêté au Loch ni à Bon Voyage mais ceux qui voudraient des images n'ont qu'à aller sur le forum du Cap et demander Nono. C'est déjà plein d'images mais il y en a sûrement d'autres.
En passant devant les Capucins, comme la porte était ouverte, ils avaient demandé à visiter, juste un coup d'oeil:
Ils avaient bénéficié d'une vue assez rare sur l'entrée d'Audierne, malgré le contre-jour dû au soleil qui était en face. Là quelqu'un leur avait dit que autrefois, il n'y a pas si longtemps, il y avait un cadran solaire datant de l'époque des moines et qu'on l'avait volé. Il était juste près de la croix, et voilà, comme la statue de sainte Evette! Disparu !!
Encore un coup d'oeil sur les ''pas très belles choses'', car Tugdual ne prit pas directement la route de Pont-Croix. Il avait son idée en s'écartant de la route directe et voilà:
Encore un chef-d'oeuvre audiernais, ancienne clinique paraît-il. C'est par là qu'il fallait passer pour aller rendre visite à Esquibien, déjà connu pour ce que Brigitte-Edwettt appelait l'annexe de la salle polyvalente:
C'était quand même triste de constater que partout dans le Cap l'environnement était une priorité, et qu'il fallait venir ici pour constater ce que vous voyez
Il fallait bien reprendre la route de Pont-Croix, où les affaires marchaient bon train sur la rive du Goyen. Les tentes se mettaient en place, les tracteurs faisaient la navette, la sono essayait les micros, bref tout serait sûrement prêt pour l'heure H, car , on n'avait pas eu le temps de vous dire, mais le colonel venant d'Abidjan était arrivé et on lui avait demandé de mettre en place une salle OPS (la salle des opérations) dans les locaux municipaux de l'ancien petit séminaire. Il avait monté çà en trois coups de cuiller à pot, bien que d'habitude c'était le travail de ses adjoints, mais il avait gardé la main. Comme il disait:
- Avant de commander aux autres, il faut savoir faire soi-même ce que l'on demande, sinon....
Des tableaux aux murs partout, des plans, la liste de tous les numéros de téléphone, et une bonne dizaine de portables autour de lui pour envoyer des tracteurs ici, fournir des chaises ailleurs...etc
Au foyer-logement çà bardait aussi pour que tout soit prêt, et un jour le téléphone avait sonné. C'était le recteur de Pont-Croix qui faisait savoir que l'on pouvait déterminer la date, ce qui fut fait après vérification à la salle OPS pour voir si tout était prêt. Pas de problèmes !!
Mais on n'avait pas contrôlé la liste des invités d'honneur qui viendraient manger avec les mariés après la cérémonie. Là, les choses ne s'étaient pas passées toutes seules. C'est Jeanne-Yvonne , toujours bonne langue, qui avait dit:
- Puisque le suppléant nous a quitté sans nous aider, il n'y a pas de raison de l'inviter. Et si on n'invite pas le suppléant, même chose pour le titulaire. Là, une vieille dame d'Audierne, restée discrète jusqu'à présent avait demandé la parole:
- Il faut envoyer des invitations écrites. C'est comme çà que les choses se passent à Audierne, pour la cérémonie des voeux du nouvel an. On offre à boire avec l'argent de tous, mais pour boire un coup, si t'as pas un papier d'invitation, Bléo !! (cheveu ! on a déjà vu).
Là encore, il y avait eu des applaudissements. Après, la liste des invités s'était faite toute seule. A la salle OPS il y avait un ordinateur et une imprimante, et voilà, tout était prêt, on pouvait y aller. Ce serait dans deux jours !!
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Et le jour J était arrivé. Dès 5 heures du matin, tout le monde était debout au foyer, tout le personnel présent, alors que c'était seulement prévu pour 11 heures. Et çà y allait: le coiffeur pour les hommes, la coiffeuse pour les dames, le fer à repasser en batterie un peu partout car la station blanchisserie du foyer n'arrivait pas à étaler. Petit à petit, on avait vu les gens descendre de leurs chambres, habillés comme il faut, avec des robes longues et tout. Là où tout le monde était resté ''sur sa bouche ouverte'', c'est quand Jeanne-Yvonne était arrivée: une longue robe verte sur elle, des talons hauts, un chapeau genre coiffe ''Capenn'' et une broche comme personne n'avait jamais vu. T'aurais vu çà: un truc grand comme un plat de la faïencerie Henriot avec dessus trois lettres: BZH, plus le sac à mains aux couleurs de l'Hermine. Et des applaudissements bien-sûr !! La famille aussi venait d'arriver: Tugdual smart avec un noeud ''pap'', Brigitte-Edwett robe longue aussi qu'on voyait même plus son bigoudi, Guiguitte ''sans frais'' parce que c'était pas son genre de faire de la toilette, et le colonel en tenue '' Marpli'j'' (s'il vous plaît), que tout le monde regardait car c'était rare de voir çà à Pont-Croix. Et voilà. Après un dernier coup de jus offert par la maison, en route pour la collégiale .
Le recteur à l'entrée ''eveljust'' (évidemment), et tout le cortège derrière pendant que les orgues jouaient plein pot un morceau que Jeanne-Yvonne avait reconnu tout de suite qu'elle disait: La marche nuptiale de Wagner. Dehors c'était silence, pas de spectateurs ni rien comme si çà n'avait intéressé personne. Bon, c'est le recteur qui avait commencé:
- que c'était un évènement, qu'on voyait pas çà tous les jours et qu'il fallait reconnaître.... Il n'avait pas dit remercier vu qu'il y avait des bolchevicks dans l'assistance et que c'était pas le jour à chercher des histoires. Mais il avait fait comme il faut, un beau discours que Guiguitte avait la larme à l'oeil et tout ! Enfin l'instant tant attendu:
- Madame tante Gaïd Logoden, voulez-vous prendre pour époux Monsieur Tonton Lom Dribiyoud ici présent
- Une toute petite voix avait répondu voui !!
- Monsieur Tonton Lom Dribiyoud, voulez-vous prendre ...
On n'avait même pas pu aller plus loin puisque on avait eu la réponse avant la fin!:
- Ah gast oui alors !
On n'avait jamais entendu une chose pareille dans les lieux, si bien que le recteur avait eu un geste de recul.......
Là tout le monde avait un peu commencé à perdre les pédales et s'il n'y avait pas eu Jeanne-Yvonne on ne sait pas trop comment les choses auraient pu finir. Avec sa petite voix de femme du Cap, elle avait commencé à chanter:
Da feiz hon tadou kozh, ni Paotred Breiz-Izel
Ni Zalho mad atao........
Kentoh ni a varvo
A la foi de nos vieux pères, nous gars de Bretagne
Nous tiendrons bon toujours.....
Plutôt nous mourrons
Et là, je te dis pas ! Tout le monde debout, en train de s'embrasser si bien qu'on avait pu considérer que le mariage était fait et qu'il ne restait plus qu'à signer le registre. La collégiale de Pont-Croix n'avait jamais entendu une telle puissance de chant, et pourtant ils chantent là-bas. Mais, on ne va pas s'étendre là-dessus bien qu'il y aurait encore à dire. Le cortège se dirigea vers la sortie , et là surprise ! La place noire de monde, une espèce d'estrade au milieu, sur laquelle un chef battait la mesure pour interpréter le ''Bro-Goz ma zadou'', la vieille terre de mes pères:
Ni Breiziz a galon kanomp hon gwir Vro...
O, Breiz, ma bro, me gar ma bro...
Nous, bretons de coeur aimons notre vrai pays....
O Bretagne, mon pays , j'aime mon pays....
Il était difficile d'évaluer le nombre de chanteurs, car il en était venu de partout, certainement à cause du téléphone breton à l'image du téléphone arabe. On avait tiré au sort pour savoir qui allait diriger cet ensemble, et le sort avait désigné un spécialiste, le chef du Choeur d'hommes de Bretagne: Mouez Paotred Breiz. Les chefs se succédaient sur l'estrade: l'ensemble choral du bout du monde, ceux de Carantec, de Lorient, l'orchestre et Choeur de Brocéliande qui avait interprété un morceau de la sublime cantate pour la paix de Job an Irien ( celui qui a écrit le cantique de saint Raymond à Audierne et que plus personne ne chante jamais) et René Abjean. Il y avait aussi des ensembles locaux: Goulien et Avel dro, Cleden et les accordéons accompagnant les voix du Van, Douarnenez avec Mouez Port Rhu et Morgan, La chorale du Porzay, les Vareuses a Dreuz etc ... On ne peut pas citer tout le monde car ce serait trop long. Et puis tout à coup, un grand silence, et une voix comme je te dis pas. Ecoute:
Ur Werzenn nevez zo savet
Treitour! a! Malloz dit'ta!
War markiz Pontkaleg eo graet.....
Une complainte nouvelle est composée
Traître (qui l'a livré), malheur à toi
Sur la mort de Pontkalleg elle est faite...
C'était Gilles Servat qui avait fait le déplacement et qui chantait la mort du marquis de Pontkalleg. Cet évènement s'était déroulé en 1720,sous la régence. Les 65 couplets de la gwerz entière sont dans le Barzaz breiz de Louis Hersart de la Villemarqué .
Puis on avait entendu tous les chantres de la Bretagne car, on l'a déjà dit, l'évènement n'était plus capiste mais breton. Il y avait Dan Ar Braz, Denez Prigent, Maxime Piolot et bien d'autres. Et là, tu me croiras pas peut-être , mais c'est le bagad de Beuzec qui avait fait son entrée sous les applaudissements et derrière, pour une fois ils avaient demandé d'être deuxième seulement, le bagad de Lann-Bihoué. Ma Doué, t'aurais vu çà. Même des Portugais, de passage sans doute, des danseurs comme c'est pas croyable. La fête des bruyères en plus grand. Même pas moyen de faire des photos tellement il y avait de monde. Heureusement, il y a les archives. Regarde !
Bon ! On arrêtera là, sauf pour dire encore une chose. Il ya avait même une délégation des Bretons de Clamart, parce que Guiguitte avait son appartement là-bas comme on a vu et que, évidemment, toute la famille faisait partie de l'association. On n'avait jamais vu tant de monde pour un mariage mais quel mariage !!
Quand les choses s'étaient un peu calmées, on avait vu le colonel s'avancer un peu vers les sonneurs, et tout le monde pensait qu'il allait faire un discours. Pas du tout. Il avait pris son portable, avait tapé un peu dessus et on avait entendu:5,4,3,2,1 Top! , comme pour un départ de fusée Ariane
Il avait sûrement appelé la salle des opérations où tout était prévu, et les cloches de la collégiale s'étaient mises en branle pour un carillon comme c'est pas possible. Et là, le bruit avait couru que c'était comme çà dans tout le Cap. Toutes les cloches des églises et des chapelles sonnaient en même temps , depuis Sant They ar Van (Saint They du Van), jusqu'à Saint Magloire de Mahalon, en passant par Notre Dame de Confort où la roue à carillons s'était mise en route toute seule. Il paraît même que les cargos qui traversaient le Raz de Sein donnaient de grands coups de sirène pour saluer l'évènement. Nos deux petits vieux ne disaient rien. Tout se passait par les mains: deux mains marquées par une vie de travail manuel dans les fermes, au lavoir ou dans les hôtels pour Tante Gaïd, par le marteau, le burin et les éclats de pierres pour Tonton Lom. Mais comme il fallait bien poursuivre la fête, les hauts-parleurs avaient fait savoir que le public pouvait se diriger vers les rives du Goyen où ils trouveraient des crêpes et de quoi manger, tout en regardant et en écoutant le spectacle. Quant à la famille, aux invités d'honneur, sans suppléant ni titulaire, ils devaient accompagner les nouveaux mariés au foyer-logement.
Tout était fin prêt. C'est Jeanne-Yvonne qui avait arrêté le menu qui n'était pas celui que l'on recommande pour le cholestérol:
Apéritif - Jambon Macédoine- Bouchées à la reine , langouste mayonnaise ou au choix coquilles saint-Jacques- rôti de veau et frites- fromages variés - et dessert: glace.
Muscadet- Vin rouge d'Anjou, cidre à volonté et même de l'eau pour les chanteurs
La glace n'était pas ce que l'on trouve aujourd'hui tout prêt, conservé au congélateur avec toutes sortes de parfums, non, non !! La bombe glacée comme autrefois, que l'on était allé chercher au dernier moment à Kerrest en Mahalon, emballée dans des torchons avec des glaçons autour. Les glaçons venaient sans doute de la glacière des marins-pêcheurs à Poulgoazec. Avant elle était à Audierne, et aujourd'hui on pourrait encore faire une photo pour vous montrer ce qu'il en reste. Et c'est pas trop beau, même dangereux si quelque chose tombe sur la route de la Pointe du Raz.. Les vieux disaient que autrefois, dans cette glacière, on brassait des pains de glace de 25 kilogs dans la chambre froide, à moins 12 degrés, sans protection aucune. Et même des gamins qu'on embauchait pendant les vacances scolaires pour broyer la glace à livrer aux marins-pêcheurs: des pains de 25 kilogs à faire basculer dans un broyeur électrique sans rembarde de sécurité ni rien. Tu te rends compte! Un gamin tombant dans le broyeur avec le pain de glace.
Mais, on ne va pas mettre la photo de la glacière en plein mariage .
Après tout çà, il y avait le café bien-sûr, et un petit coup de ''fort'' ou de ''doux'' pour bien digérer.
Et le repas avait duré jusqu'à 5 heures. Les anciens avaient mangé tranquillement, sans excès, comme pour un repas de Noël, mais quelques invités n'avaient pas donné leur part au chat . Pendant le repas, tout le monde avait poussé la chansonnette, un peu en français et surtout en breton. Jeanne-Yvonne avait fait pleurer avec:
Kousk Breiz izel Dors Bretagne
Alors que ce n'était pas encore l'heure d'aller au lit.
Les groupes de chanteurs avaient délégué leurs solistes et même quelques choristes pour honorer les anciens. On avait entendu:
En tu-all ar mor (de l'autre côté de la mer), Noz vat dousig (bonne nuit ma douce), et surtout: Bale Roue Arzhur (la marche du roi Arthur), O Keltia (O Celtie )
par Mouez Paotred Breiz, et enfin le Kénavo que tout le monde connaissait qui avait clôturé le repas. Ensuite, on s'était levé pour aller faire un tour au bord du Goyen pour voir la fête. Guiguitte n'avait pas voulu de discours, disant que tout avait été dit à la collégiale par le recteur qui était présent évidemment, assis près d'un bolchevick. A eux deux ils rebâtissaient le monde, et chose curieuse, ils semblaient d'accord sur l'essentiel. Va comprendre !! On s'était donc rendu près du Goyen, où la fête battait son plein. Tout le monde voulait prendre une photo de nos deux anciens, mais il faut bien comprendre qu'elles ne seront pas diffusées par respect de l'intimité familiale. A la tombée de la nuit le bruit avait couru qu'il y aurait un feu d'artifice. Ils étaient restés jusque là, puis, la fatigue aidant, ils avaient demandé à rentrer. On les avait accompagnés jusqu'à leur chambre, qui était la chambre de tante Gaïd, un peu aménagée par l'apport du lit de Tonton Lom. Les deux lits étaient côte à côte, n'en déplaise à certains esprits tordus qui iraient imaginer des choses. Allons donc, à leur âge, l'affection dans le regard et tout l'amour du monde transmis par les mains l'une dans l'autre leur suffisait. Et ils s'endormirent tranquillement, la main dans la main, après que Guiguitte eut vérifié que tout était en ordre.
Le lendemain matin ils s'étaient réveillés, tout étonnés de se trouver ensemble. Ils avaient passé la nuit, la main dans la main sans trop s'en rendre compte. Et désormais leur vie allait se dérouler ainsi. Le colonel avait rejoint Abidjan, Guiguitte le Bénin, dans le même avion jusqu'à Dakar, et les enfants à la FAC de Paris. La vie allait suivre son cours, tranquillement, dans la sérénité du foyer-logement. Dans la semaine, nos deux anciens ne sortaient pas trop loin, généralement autour de la fontaine de ND de Roscudon. On aurait aimé vous monter de belles images de cette fontaine que nous devons à nos amis de Pont-Croix. Il s'agit de la fontaine avant restauration. On peut y voir les ex-votos tapissant le fond de l'ouvrage qui par ailleurs a une histoire. Passons. En fait, ce sont plutôt les images qui ne passent pas . Tonton Lom savait très bien qu'il serait confronté à un petit coup de chapelet, ce qu'il acceptait sans commentaires car il se demandait pourquoi il avait droit à tant de bonheur à la fin de sa vie. Tante Gaïd se posait la même question, mais sa conclusion était différente. Elle se demandait si Tonton Lom n'avait pas raison quand il y avait des élections, de s'exprimer comme il le faisait. Finalement, cela ressemblait un peu à la conversation que le recteur avait eu à table au cours du repas de noce avec son voisin du bord opposé.
Le dimanche, nos deux anciens étaient régulièrement invités dans des familles, tellement nombreuses qu'il fallait s'inscrire pour garder son tour. On venait les chercher en voiture, et c'est ainsi qu'ils poursuivirent leur visite du Cap, la plus belle région du monde comme chacun le sait. Ils visitèrent donc:
Saint Tremeur et après Saint Tugdual à Cleden
les chapelles de Primelin: Saint Théodore et Saint Chrysante
sans oublier la superbe église d'Audierne Saint Raymond
Un peu chaque dimanche, après un bon repas, en compagnie de braves gens, c'était facile. On ne va pas mettre toutes les chapelles, toutes les fontaines, tous les calvaires, toutes les grèves, les plages, les ports, les pointes,etc...Il suffit d'aller les voir et vous verrez comme c'est beau !! ( à condition d'éviter certains endroits complètement indignes de ce récit. Imaginez certaines images ici !!). Et c'est ainsi que leur vie toute simple se déroula désormais. Les enfants venaient pour les vacances apportant tout ce que nos deux petits vieux pouvaient en attendre. Le colonel était rentré à Paris, affecté à l'état-major, en attente des étoiles de général, et Guiguitte exerçait désormais ses fonctions dans un cabinet ministériel, espérant repartir un jour. Les enfants avançaient dans les études, même Brigitte-Edwett qui semblait s'assagir dans ses tenues. Tout allait pour le mieux, et puis, un jour....
Quelques années plus tard
Ils n'étaient pas descendu pour le petit-déjeuner. Au début, personne ne s'était inquiété. Puis, on avait averti la directrice, qui était montée en compagnie d'un membre du personnel. Les portes ne sont pas fermées dans un foyer-logement, pour des raisons de sécurité très compréhensibles. Il avait suffi de tourner la poignée, et on avait vu: Deux visages sereins, reposés, tournés l'un vers l'autre, la main gauche de Tonton Lom serrant la main droite de Tante Gaïd. Ils s'étaient aimés jusqu'au bout, et le Bon Dieu ou la Providence ou le hasard, ou la chance... Chacun choisira la version correspondant à ses convictions, pour dire qu'ils étaient partis ensemble.
Il avait bien entendu fallu prévenir la famille, et tout le monde était arrivé dare dare. Il y a des problèmes à résoudre dans des cas comme celui- là. C'est pareil pour tout le monde. Tout a une fin. Mais ce que l'on n'avait pas prévu, c'est que la nouvelle s'était ébruitée très rapidement, en raison de la notoriété acquise par nos deux anciens. Tous les responsables locaux ( sauf un, vous savez lequel) avaient dit qu'il fallait marquer le coup et même aller un peu plus loin. Le problème de la dernière demeure avait dû être étudié, car il n'y avait aucune raison d'aller à Meilars où Tonton Lom n'avait que des souvenirs, et pas plus à Goulien où le cimetière avait été transféré à son nouvel emplacement. Les moyens financiers de tante Gaïd étaient, à l'époque, réservés à d'autres priorités, si bien qu'il n'y avait plus de trace des ancêtres. Toutes les communes demandaient à recevoir sur leur territoire les deux héros locaux, ce qui dérangeait un peu la famille qui aurait préféré la discrétion. Chacun avançait ses arguments: Plouhinec disait qu'ils avaient déjà un évêque grec Monseigneur Cyrille Iustiani, autrefois victime d'un naufrage, Pont-Croix se prévalait de sa position de chef-lieu de canton etc.... le colonel avait demandé à sa femme s'il pouvait donner son avis. Ecoutons le:
- Mesdames et Messieurs: si je comprends bien, tout le monde voudrait honorer les gens modestes qui sont aujourd'hui mes parents. Nous sommes très touchés, et nous ne voulons décevoir personne . Nous savons que dans certaines communes, Plouhinec ou Primelin par exemple, il y a plusieurs églises ou chapelles importantes. Je vous propose un tirage au sort à partir de la liste de tous ces édifices importants, et le sort décidera. Nous accepterons son verdict. Tout le monde avait approuvé et on était passé à l'acte. C'est ainsi que Saint Julien de Plouhinec figurait dans le chapeau de même que Saint Tugen qui, bien que n'étant pas église paroissiale, était classée monument historique que tout le monde connaissait par son appellation: la cathédrale du Cap. C'est Tugdual qui fut chargé de choisir, et devine ce qui sortit du chapeau:
Saint Tugen
La cathédrale du Cap méritait bien son nom. Même pas un petit reproche à faire pour l'environnement.( A croire que certains privilèges étaient réservés à Audierne et Esquibien).
Tout le monde sait que l'on n'a plus le droit de créer de nouveaux emplacements autour des chapelles. Saint Tugen a conservé des droits ancestraux pour ce qui existe, et justement une place était abandonnée, parce que cela arrive et que c'est comme çà. Passe-droit ou pas, tout le monde avait été d'accord pour dire qu'ils reposeraient près du calvaire
******
La période d'attente avait été organisée au foyer-logement. Tout le monde venait faire un adieu, chacun à sa façon. Les fleurs étaient réservées à la famille. On n'avait jamais vu un tel défilé. Et puis, une voiture officielle était arrivée dans la cour. Un monsieur que l'on ne connaissait pas avait demandé à être reçu. Il n'y avait aucune raison de refuser et c'est Guiguitte qui s'en chargea. Le Monsieur lui demanda si elle faisait partie des proches. Ecoutez:
- Oui, il s'agit de mon père. J'ai fait ajouter son nom à mon nom de jeune fille si c'est ce que vous voulez savoir.
- Madame, je suis ici en mission. A la demande quelqu'un qui ne souhaite pas dire son nom, nous avons fait des recherches dans les archives de la marine nationale. Ce ne fut pas facile, mais nous avons trouvé, et je suis en mesure de vous dire que les états de services de Monsieur votre père, ont fait ressortir qu'il avait sauvé plusieurs personnes lors du drame de Mers el Kébir, ce dont vous avez certainement eu connaissance. En conséquence il a été décidé, au plus haut niveau, de le décorer de la légion d'honneur
Tout le monde, même le colonel était interloqué. Guiguitte avait regardé son mari et ils s'étaient compris sans parler:
- Non Monsieur. Mon père ne parlait jamais de Mers el Kébir. Il y a quelqu'un derrière cette affaire qui arrive par hasard. Quelqu'un qui ne dit pas son nom pour pouvoir en faire état plus tard. C'est non, sans appel. Il y a déjà des légions d'honneur dans la famille, celle de mon mari qui la porte sur son uniforme. Elle vient de Sarajevo. La mienne que je ne porte pas. Elle vient d'Indonésie, lors du tsunami. Si on avait voulu faire quelque chose pour mon père, il aurait fallu lui faire la proposition quand il était vivant. Aujourd'hui, en son nom, je refuse.
- Très bien Madame. Je transmettrai. Avec mes condoléances, je vous prie de bien vouloir agréer mes hommages.
- Merci Monsieur et au revoir
Le colonel était venu embrasser Guiguitte. Sans parler, ils s'étaient compris.
Et c'est ainsi que se termina l'histoire de deux petits modestes parmi les modestes. Ils reposeraient désormais à Saint Tugen
A suivre Ma doué 3
Ma doué 2
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