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3 novembre 2013 7 03 /11 /novembre /2013 21:29

 

 

 

 

Ma Bro Ar C'Hap Gwechall suite 9

 

9- Le petit train : Train Youtar-

 ( références : quand brinquebalait le train youtar de Serge Duigou- Documentation privée J.S)

Inauguré le 28 janvier 1894, le petit train d’AUDIERNE, baptisé « train youtar » a quitté la scène le 31 décembre 1938, après 44 années de bons et loyaux services. Il a retrouvé une petite activité pendant la guerre de 39/45, au profit des troupes allemandes qui construisaient le mur de l’Atlantique. Le petit train servait au transport des matériaux  de construction, particulièrement le ciment. L’arrêt définitif fut effectif le 30 décembre 1946. Il faut donc aujourd’hui être presque septuagénaire pour avoir connu le petit train. C’est largement mon cas, ce qui me permet d’avoir des souvenirs personnels à ce sujet.

  Ils remontent à la guerre, quand le ciment était introuvable. Or, dans les wagons, on trouvait toujours une poussière résiduelle de ciment, et même parfois des sacs crevés, accidentellement ou intentionnellement, chacun résistant à sa manière. Il suffisait alors de contourner les postes de garde pour échapper à la vue des sentinelles, de s’armer d’une pelle à charbon , d’un petit balai et d’un bon sac de toile puisque le plastique n’existait pas encore, pour faire une bonne récolte. Je rappelle d’ailleurs à cette occasion que le ciment était transporté à la Pointe du Raz, ou ailleurs, par des convois de tombereaux réquisitionnés dans les fermes du Cap. Combien de sacs de ciment sont ainsi tombés accidentellement de ces tombereaux, au profit de particuliers souhaitant rafistoler un mur ou effectuer de menus travaux. Ma mère en fut largement bénéficiaire, en échange de quelques cigarettes ou d’un verre de vin. Mais l’expression « tombé du camion », tellement à la mode aujourd’hui, n’était pas  encore inventée. Quoiqu’il en soit, la récupération de ces sacs fut, une fois de plus, un acte de résistance pour lequel je ne fus pas décoré.

  Le petit train ‘’youtar’’ (mangeur de bouillie), reliait donc AUDIERNE à DOUARNENEZ. (Son cousin, le train ‘’carottes’’, fit l’objet d’un projet initial pour relier PONT-L’ABBE  à la Pointe du Raz, via PONT-CROIX, ESQUIBIEN, PRIMELIN, projet abandonné et réalisé plus tard seulement entre PONT-L’ABBE et PONT-CROIX).

  Les principales gares ou haltes étaient AUDIERNE, PONT-CROIX, BEUZEC, POULLAN. On imagine sans peine la complexité du montage d’un tel dossier, au XIXème siècle. Il fallut 20 ans pour aboutir à l’inauguration, presque un quart de siècle.

  Je renvoie à l’ouvrage de Serge Duigou pour connaître le détail des festivités et le menu du banquet servi aux autorités : Préfet, député (Monsieur Cosmao-Dumenez), conseiller général, inspecteur d’académie etc.. , qui se déroula  à l’hôtel Batifoulier. Le gens de ma génération ont connu cet hôtel, exploité par la famille Lapous, sous le nom de ‘’hôtel du commerce’’. Je l’ai visité en 1950 , date à laquelle il existait encore. ( par ailleurs déjà cité à propos des hôtels de la Pointe du Raz – Aujourd’hui, on trouve au rez de chaussée, un magasin de chaussures) .

  A cette époque, l’amitié franco-russe battait son plein. Le jour de l’inauguration, les quais d’AUDIERNE s’ornaient de mâts arborant les drapeaux français et russes. Selon un chroniqueur de presse du journal Ouest-France (A. Claquin), la fanfare de DOUARNENEZ a même interprété l’hymne russe à l’arrivée du train inaugural en gare d’AUDIERNE. C’est à l’issue d’un banquet pantagruélique comme on n’en fait plus, que le maire d’AUDIERNE : Monsieur Amédée de Lecluze-Trévoédal a prononcé la phrase célèbre :

«  Enfin, nous voici reliés, grâce à la ligne, au monde civilisé ».

 

 

  Propos prémonitoire ! Le train ‘’youtar’’ reliait donc AUDIERNE à DOUARNENEZ, et servait au transport du poisson et des marchandises diverses. L’usine à soude (sera évoquée plus loin) se trouvait près près de la voie ferrée, et la présence de la gare favorisa la création de nouveaux commerces, dont  2 cafés situés à l’actuel emplacement de l’hôtel des voyageurs. La création de l’hôtel de voyageurs n’est pas directement liée à la naissance de la gare. La saga des hôtels fait partie de l’histoire locale. Je l’ai déjà dit à propos de la Pointe du Raz. C’est pourquoi je précise que Monsieur Brénéol, père de la propriétaire actuelle ‘’des voyageurs’’ a acquis les commerces existants pour en faire un hôtel, successivement en 1919 et 1921. Les hôtels, précurseurs des structures touristiques actuelles étaient d’ailleurs souvent une affaire de famille : ma famille en a créé 3, les familles Le Bour et Lapous 2 chacune et la famille Brénéol 2. Les vieux Capistes se souviennent en effet du restaurant qui portait leur nom : restaurant des Capistes appartenant à Gaïd Brénéol, sœur du premier propriétaire ‘’des voyageurs’’. Ce restaurant se situait place Gambetta avant la banque CMB. Enfin, pour compléter les anecdotes, je signale que le boqueteau situé derrière l’hôtel des voyageurs figure dans un titre de propriété sous l’appellation ‘’Bois de Prusse’’ Les amateurs de toponymie trouveront sans aucun doute une explication à cette dénomination.

  Aujourd’hui, la gare a disparu au profit de constructions nouvelles. L’usine à soude aussi. L’hôtel des voyageurs est fermé, et le petit train fait partie des souvenirs . Alors souvenons nous

   Le parcours total de 22 kilomètres s’effectuait en 50 ou 55 minutes, ce qui est loin du TGV, et donna lieu à de nombreuses anecdotes, particulièrement dans la côte avant PONT-CROIX, près de Lespoul. Le cas échéant, les voyageurs devaient descendre pour alléger la charge, et permettre au train de reprendre son élan. De nombreux accidents, tels que suicides ou collisions aux passages à niveau non protégés, émaillèrent cette vie éphémère, sans oublier les plaintes pour enregistrement des bagages au milieu des flaques d’huile ou de saumure.

  Non rentable, le petit train a été victime du transport routier, tant dans le domaine des passagers que celui des marchandises. Il n’est pas le seul. Le train DOUARNENEZ-QUIMPER ne survivra pas non plus.

  Du train ‘’youtar’’, il ne reste qu’une belle promenade le long de la rivière Goyen, entre AUDIERNE et PONT-CROIX, là où se trouvait la voie ferrée, et la poésie des lieux. Il fait aussi partie des souvenirs des anciens et, à ce titre , méritait une petite mention dans cette évocation du passé.

 

                        ****** 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’ ENSEIGNEMENT-

 

 

 Encore un sujet à part entière que je vais effleurer dans un chapître. Ecole publique, école privée (ou libre), les deux systèmes cohabitent en Bretagne. Le Cap-Sizun n’échappe pas à cette cohabitation, et chaque système a ses fidèles et ses inconditionnels, même si aujourd’hui on ne parle plus exactement de guerre scolaire. Je serai donc amené à traiter successivement après un bref  rappel de quelques dates et un non moins bref historique : la rivalité des écoles, les frères de Ploërmel et  le petit séminaire de PONT-CROIX, tous ces éléments concernant le Cap à différents degrés.

 

                                          1-     Rappel de quelques dates 

-         Fin du Moyen-Age et Ancien régime : Naissance de la scolarisation

-         XVIème siècle : à partir du concile de Trente : écoles de charité ( paroisses urbaines)

-         XVIème et XVIIème siècles : essor de l’école urbaine et  rurale ( en 1700, création des premières écoles modernes par Jean Baptiste de la Salle

Création des écoles religieuses tenues par les curés

               Création des collèges tenus par les congrégations

-         1791 : loi supprimant les congrégations

-         1795 : le directoire reconnaît la liberté d’enseigner

-         1816 : les communes sont tenues d’entretenir une école et d’assurer la gratuité pour les indigents

-         1828 : ordonnances-expulsion des Jésuites- interdiction de préparer au baccalauréat

-         1831 : constat par Guezno à AUDIERNE : 600 enfants des 2 sexes ne sont pas instruits

-         1833 : loi Guizot : liberté de l’enseignement primaire – rôle de surveillant du curé

-         1850 – loi Falloux : liberté de l’enseignement secondaire – Très favorable à l’église, cette loi est combattue entre autres par Victor Hugo

-         1867 : loi Victor Duruy : une école de filles est obligatoire dans les villes de plus de 500 habitants

-         1867 : création de l’école normale de garçons à QUIMPER – elle est initialement dirigée par des congréganistes

-         1879 : loi obligeant les départements à entretenir une école normale d’institutrices

-         1881 : gratuité des écoles publiques primaires (en 1880, l’enseignement était gratuit à seulement 50%)

-         1882 : loi Jules Ferry : enseignement primaire obligatoire et laïque de 7 à 13 ans- certificat d’études obligatoire- suppression de l’instruction religieuse

-         1885 : création école de GOULIEN

-         1886 : loi René Goblet : organisation générale de l’enseignement primaire – laïcisation du personnel

-         1889 : loi sur les dépenses de l’enseignement primaire – instituteurs payés par l’état

-         1903  ( 18 mars) : dissolution de toutes les congrégations – sont concernées localement : à PONT-L’ABBE , frères de Saint Gabriel (dont la maison mère est à Saint Laurent sur Sèvre) – frères de Ploërmel ( Ils feront l’objet d’un chapître en raison de leur présence à DOUARNENEZ et plus tard à AUDIERNE) – Sœurs du Saint Esprit (maison mère à SAINT BRIEUC . Je les ai déjà été citées à propos des épidémies)

-         1904 : loi interdisant l’enseignement aux congrégations (ministère Combes)

-         1905 : loi de séparation de l’église et de l’état (inventaires-suppression des petits séminaires à partir du 14/10/1906)

-         1907 : évacuation du petit séminaire de PONT-CROIX – intervention de la troupe

-         1977 : loi Guermeur ( François Mitterrand a voté contre)

 

2 – Historique-

 

  Selon Daniel Bernard ( cf : monographie de Cleden, page 133), des petites écoles fonctionnaient dans la plupart des paroisses de Basse Bretagne au XVIème, XVIIème et XVIII ème siècle sous la direction du clergé (remarque personnelle : de nos jours, les écoles coraniques fonctionnent sous l’autorité des religieux musulmans Iman, Cadi ou Ayatollah- à titre de comparaison). Il existe une école à CLEDEN en 1498, ainsi qu’à GOULIEN et PRIMELIN. De l’examen des registres d’état civil et d’autres documents, il résulte  que bon nombre d’habitants étaient pourvus d’une instruction élémentaire. En 1650, sur 80 actes de baptême à CLEDEN, on voit 11 fois la signature du père et 29 fois celle du parrain. En 1679, sur les 12 membres du général au conseil paroissial, 10 signent lisiblement (soit 110 ans avant la révolution). Plus tard, (page 135), en 1725, sur 90 actes de baptême figurent 51 signatures de père  et 63 de parrains. Ainsi, près des 2/3 des pères de famille savent lire et écrire exactement 64 ans avant la révolution.

  Daniel Bernard en conclut  que pendant le XVIIIème siècle , il existait à CLEDEN plusieurs écoles disséminées dans la paroisse, et que ces écoles étaient régulièrement suivies par la majorité des garçons. Toutefois, en 1798, toutes les écoles du Cap-Sizun ont disparu, sauf celle de PONT-CROIX. Il attribue ce fait au trouble des parents suite aux dissensions religieuses et politiques.

  L’école de CLEDEN est terminée en 1846 (39 ans avant Goulien), et  une nouvelle école sera reconstruite en 1891. Si l’on prend la révolution comme référence, on constate donc que l’enseignement est une prérogative du clergé (avant et peu après).

  Les affirmations de Daniel Bernard sont confirmées par la documentation du musée de TREGARVAN (l’école rurale en Bretagne par Pierre Moisset). Je cite :

  « au XVIème siècle, la population rurale est pratiquement analphabète…….les diocèses créent des petites écoles » .

  Cette domination du clergé, par l’enseignement et le savoir, permet de comprendre déjà que ce n’est pas de plein gré qu’il abandonnera ses prérogatives en la matière.

  La guerre scolaire va naître parce que les catholiques nient qu’il puisse y avoir une morale en dehors de la religion. Les républicains soutiennent au contraire qu’il existe une morale sociale. Pour ma part je pense que la religion n’a pas l’exclusivité de la morale. Je consacrerai d’ailleurs un chapître à l’étude de cette religion. Ce sera l’occasion de revenir sur ce sujet. Mais je crois pouvoir  déjà dire que s’il y avait exclusivité, je ferais partie des immoraux ou des amoraux puisque je n’ai jamais mis les pieds dans une école confessionnelle, en tant qu’élève.Le très célèbre ‘’cléricalisme léonard’’ n’est pas une exclusivité du Léon. Il s’est manifesté aussi en Cap-Sizun, dans sa forme la plus exacerbée de catholicisme bourgeois dans un pays pauvre. Ce catholicisme bourgeois antilibéralisme, antisocialisme va diviser les familles, les communes, et se manifester de différentes manières. C’est la guerre scolaire !  

                                             3 – La guerre scolaire -   

 

Depuis Jules Ferry, l’enseignement public est laïque, gratuit et obligatoire. Il s’établit en concurrence de l’enseignement confessionnel qui est payant. Cela aboutit obligatoirement à ce que l’on pourrait appeler 2 types de clientèle, en fonction des opinions de la famille d’une part, de ses moyens matériels d’autre part. Avant Jules Ferry, l’enseignement confessionnel était pratiquement le seul ‘’sur le marché’’. Ce n’est pas de gaieté de cœur que ses membres voient arriver un rival laïque, neutre et républicain, qui va progressivement le rattraper, l’égaliser, et même le devancer, prouvant par là même que le théorème de Pythagore, la règle de l’accord du participe passé ou les problèmes de trains qui se croisent sans se rencontrer et des robinets remplissant des bassins perçés sont tout à fait dissociables de la religion comme le sont aussi les fables de La Fontaine et même les équations trigonométriques. On peut même ajouter qu’il n’y a pas de pédagogie  particulière en matière de religion. La pédagogie est universelle.

  Dans de nombreuses communes, 4 écoles primaires vont se trouver en présence : 2 pour les garçons (1 publique, 1 libre), 2 pour les filles (id°) . Il en sera de même pour les collèges dans certaines villes : AUDIERNE et PONT-CROIX par exemple. La situation n’a pas changé de nos jours, sauf que les établissements sont mixtes ; ainsi à AUDIERNE : école Pierre Le Lec laïque, école Sainte Anne libre, collège de Locquéran laïque, collège Saint Joseph libre. A PONT-CROIX école maternelle publique, école primaire publique, école maternelle Immaculée Conception libre, école primaire et collège Notre Dame de Roscudon libres. S’en suit un racolage des élèves pour concurrencer le voisin d’en face, qui n’est pas le fait du public, lequel est assuré de sa clientèle, celle qui  recherche en priorité la gratuité quelles que soient par ailleurs ses idées en matière de religion. Chacun a ses arguments ; résultat, les camarades de jeu, les voisins, les cousins ne fréquentent pas la même école. Les moyens utilisés pour faire pression sur les parents ne font pas honneur à leurs utilisateurs. Ils sont la preuve de ce sectarisme que j’ai déjà dénoncé et qui perdure encore peut-être  aujourd’hui (surtout en matière de  politique). Je veux parler du refus d’absolution. Ceci est arrivé dans ma propre famille et je le raconte, sachant que je risque de déplaire. Mais j’ai déjà cité Boileau précédemment !!

  Avant la guerre 39/45, le collège Saint-Joseph s’est ouvert à AUDIERNE. Mon père a d’ailleurs travaillé sur le chantier de construction en 1937. La paroisse était dirigée par Monsieur Prigent, recteur. Je fréquentais l’école publique depuis mon jeune âge : certificat d’études en 1941, diplôme de bourses en 1942. Mon père était décédé d’un accident du travail en 1941. Tous mes cousins de la branche maternelle étaient inscrits à Saint Jo. Sollicitée par le recteur qui lui proposait de me prendre gratuitement à l’école libre, ma mère n’a pas accepté pour 2 raisons : tout d’abord parce que la bourse n’était attribuée que pour des études en milieu laïque, ensuite parce que ma scolarité n’aurait été assurée que jusqu’à la classe de troisième. Certes, j’aurais pu être appelé à poursuivre des études, ce qui m’aurait dirigé vers le petit séminaire de PONT-CROIX, gratuitement peut-être dans la mesure où j’aurais pu présenter quelques symptômes d’une quelconque vocation religieuse, car le collège servait aussi de laboratoire pour détecter voire éveiller les appels à servir la religion. Bref !! Ce refus d’obéissance a entraîné pour ma mère un refus d’absolution dans le confessionnal du recteur. L’enfant que j’étais a été informé des faits par sa propre mère qui ne s’est  pas révoltée sans pour autant subir.

  Je crois pouvoir dire aujourd’hui que, devant cet excès de pouvoir d’un ministre de la religion, (donc lettré et tenu de montrer l’exemple), à l’égard d’une personne peu instruite et veuve, j’aurais par la suite refusé de fréquenter une école libre même en cas de revirement de ma mère . Mon cas n’est pas unique, mais c’est mon cas et c’est du vécu. !! Ce qui me permet aujourd’hui de penser, avec du recul, que les enfants sortants du système scolaire libre, confessionnel et payant, ne sont pas meilleurs que ceux qui sortent du système public, laïque et neutre. Et tant qu’à faire, j’ajoute que la pratique de la religion n’est pas incompatible avec la formation scolaire. Mais, je l’ai déjà dit, nous parlerons plus loin de religion, d’autant que les deux sont liés. Quoiqu’il en soit, il n’en faut sans doute pas plus pour devenir un inconditionnel du partage des pouvoirs spirituel et temporel, aucun des deux n’ayant d’ailleurs qualité pour dominer l’autre.

A chacun ses problèmes de conscience (nous allons y venir). Il n’en faut sans doute pas davantage non plus pour devenir ‘’anti-ceci’’ ou anti-cela’’. Ce n’est pas mon cas ; je m’attache toujours à essayer de distinguer le fond de la forme, tout comme l’esprit de la lettre. La religion est une chose. Elle ne se négocie pas puisqu’elle repose sur des critères d’appréciation et de conviction personnelles. Mais les ministres du culte, auxquels je reconnais un niveau d’entière responsabilité dans leur fonction, particulièrement par les temps qui courent, n’ont pas pour autant le droit d’utiliser la ‘’force de frappe’’ à l’égard des faibles, sauf à se voir discrédités et accusés d’intolérance. Il ne faut pas jeter l’anathème sur celui qui ne partage pas les idées.

  J’ai vécu la répartition des enfants à l’église en fonction de l’école fréquentée. Lamentable, le mot n’est pas trop fort !! Ceux de ‘’l’école du Diable’’ donc les damnés, séparés de ceux de ‘’l’école du Bon Dieu’’, déjà angelots avant l’heure.Apparemment, l’histoire n’entérinera pas toujours les choses en l’état . Le Diable !! Les autres noms du diable ont été recensés par Annick Lamezec dans son ouvrage :’’Le Diable en Bretagne’’ publié aux éditions Skol Vreiz. Je renvoie donc à cet ouvrage pour apprendre que l’appellation la plus courante en Cap-Sizun serait ‘’Tonton Jean PÔL’’. J’avoue ne l’avoir jamais entendue, ne pas en connaîte l’origine et en prendre acte, tout simplement. Ailleurs, le diable se nomme ‘’Satann goz’’, le vieux Satan ou ‘’Cornik’’, le cornu, et bien d’autres noms.

  Séparés par l’école, adversaires en sport et en bagarres locales, parfois ennemis au quotidien, les enfants se retrouvaient tout de même dans les patronages qui, dirigés par le clergé, donc d’obédience, respectaient l’innocence des enfants. La guerre scolaire s’est éteinte dans les Patros, tout au moins en ce qui concerne les enfants. Mais l’intolérance saura vite retrouver sa place dans la vie courante, à l’âge adulte. On pourra même parler de réseaux : commerçants, coiffeurs, médecins …etc. Etre de ‘’l’école du diable’’ signifie être de gauche, être de ‘’l’école du Bon Dieu’’ signifie être de droite. Faux, archi faux. C’est un cliché aussi faux que celui évoqué précédemment à propos des FFI et FTPF. De nombreux anciens élèves de l’école libre ne mettent plus les pieds dans une église et votent à gauche, tout comme des anciens élèves  de l’école publique pratiquent une  religion (Catholique en Cap-Sizun). Sont-ils pour autant systématiquement des électeurs de droite ? Il faudrait le prouver !

  Les écoles doivent être neutres. C’est le cas de l’école laïque.Je n’ai jamais entendu dire qu’il s’y tenait des réunions politiques. Ce n’est pas le cas partout. Lors des élections cantonales de1985, l’école Saint Joseph d’AUDIERNE a servi de support à un candidat en mettant des locaux à sa disposition pour l’organisation de réunions préparatoires. L’encadrement du moment confondait peut-être engagement personnel et vocation ou engagement de l’établissement. Pourquoi  pas, tant qu’à faire, fournir le matériel pédagogique pour la propagande ? Ils n’ont pas osé ? Mais, il est vrai que les associations de parents d’élèves de tous bords peuvent faire naître des vocations politiques. Ceci va me permettre d’aborder sans plus attendre le chapître consacré aux frères de PLOËRMEL, congrégation qui a fourni jusqu’à un passé très récent les enseignants des écoles libres de garçons dans le Cap et à DOUARNENEZ, alors que l’école libre de PONT-L’ABBE relève de la congrégation des frères de Saint GABRIEL  [maison mère à Saint Laurent sur Sèvre, dont on voit la superbe basilique du XIXème siècle, (abritant le tombeau du Père de Monfort), en circulant en voiture entre NANTES et POITIERS  . Le Pape Jean-Paul II a d’ailleurs été hébergé en ces lieux lors de sa visite en Bretagne en 1996].

  Je ne veux pas passer sous silence la congrégation des ‘’Filles du Saint Esprit’’, maison mère à Saint-Brieuc. Les religieuses étaient chargées de l’instruction des filles en Cap Sizun ainsi que de la charité publique, au sens religieux du terme, puisqu’elles assuraient entre autres les soins à l’hospice d’AUDIERNE. Cet établissement provenait d’une donation  faite par testament  par une généreuse donatrice. Il a changé de vocation aujourd’hui, suite à des arrangements entre plusieurs parties prenantes et des arguties juridiques. Il me semble toutefois, après avoir examiné les documents auxquels j’ai pu avoir accès, que si la lettre du testament a pu être arrangée, l’esprit n’a sans doute pas été respecté, particulièrement en ce qui concerne la clause d’annulation et la vocation impérative de l’immeuble. Mais ceci est une autre affaire, et même sans doute une affaire de conscience. Je pense pour ma part, que les considérations économiques, quelles qu’elles soient, auraient dû s’effacer à la fois devant la lettre et l’esprit de ce qui a été écrit en 1880. Passons !!

  Mais , l’histoire ou  le hasard ont voulu mettre à ma disposition une documentation exceptionnelle, donc inconnue ou peu connue, concernant les Frères de PLOËRMEL. Je vais donc en parler avant d’aborder plus loin le petit séminaire de PONT-CROIX.

 

                               4- Les Frères de PLOËRMEL-  

  (documentation de référence : Les Bretons et Dieu-Ouest–France page 184  et documentation privée )  

 

 

 

 

                                           A suivre Ma Bro Ar C'Hap Gwechall- Suite 10 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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3 novembre 2013 7 03 /11 /novembre /2013 21:28

Ma Bro Ar C'Hap Gwechall suite 10

 

                                         4- Les Frères de PLOËRMEL-  

 

               (documentation de référence : Les Bretons et Dieu-Ouest–France page 184  et documentation privée )

 

 

 

  Les premières écoles modernes ont été crées à partir de 1700 par Jean-Baptiste de La Salle. Dès 1790 , puis sous la Terreur, les écoles paroissiales ont été  interdites. Mais consultons d’abord l’ouvrage publié par Ouest-France en 1985. Je cite :

 

 «  La congrégation des Frères de l’instruction chrétienne de PLOËRMEL a été fondée en 1825 par les abbés Jean-Marie (1780-1860) et Félicité de La Mennais (1782-1854) qui songeaient à en faire le pivot de leur action vouée à régénérer l’Eglise, ainsi que l’abbé Deshayes Gabriel (1767-1841). Les deux frères malouins de La Mennais ont eu une postérité différente en Bretagne. Le plus jeune Félicité, se rendit d’abord célèbre comme champion de l’ultracisme, de la prééminence de la religion sur toute loi. Lié comme son frère à l’évêque de RENNES Monseigneur de Lesquen, il exerça un grand ascendant sur le petit séminaire de SAINT-MEEN. Mais, les idées qu’il développa par la suite dans le journal  ‘’l’Avenir’’ (1831) marquèrent un tournant vers un libéralisme ultramondain, revendiquant les libertés de conscience, de presse, d’association, divisant le clergé local. Les condamnations pontificales (Mirari Vox-1832 et Singulari Vox-1834) entrainèrent peu à peu la rupture de Félicité avec l’église, jugée synagogue d’une foi morte, et la recherche d’un nouveau principe spirituel, le peuple souffrant, peuple des travailleurs, aux marges du socialisme.

  L’aîné Jean-Marie avait participé à toutes les entreprises de son frère jusqu’en 1830, ce qui lui valut de pâtir pendant quelques temps de la réputation de Félicité et de l’éviction des ses idées. Mais il avait de son côté, en liaison avec le Morbihannais Gabriel Deshayes,créé une congrégétion appelée ‘’frères de l’instruction chrétienne’’, ou ‘’frères de PLOËRMEL’’, ou’’ frères de La Mennais’’. Cette action s’inscrivait dans le grand mouvement de création, sous la Restauration, de congrégations de petits frères (Maristes etc..), à la fois pour pallier l’absence dans les campagnes des ‘’frères des Ecoles’’ ou ‘’frères de La Salle’’, confinés par leurs règles dans les villes, et pour contrer les idées révolutionnaires susceptibles de se répandre avec une instruction non contrôlée.

  Les frères de PLOËRMEL se taillèrent un empire scolaire dans le Morbihan, l’Ille et Vilaine, les Côtes d’Armor, dans les écoles publiques de garçons, surtout au prix d’une âpre concurrence avec les instituteurs issus d’écoles normales, plus coûteux pour les communes, moins sûrs idéologiquement.

  Les mesures de Jules Ferry, en particulier la laïcisation du personnel des écoles publiques, à partir de 1886, suscitèrent la création d’écoles privées, confiées dans un premier temps aux frères, dont l’élan fut brisé par les mesures anticongrégationnistes de 1903-1904 ».

 

******   

  Donc la congrégation a été dissoute en 1903. La répartition des élèves, au début du XXème siècle, était de environ 90.000 élèves dans l’enseignement secondaire religieux, et 80.000 dans le secondaire laïque.

 

  La loi préparée par Waldeck Rousseau et votée le 1er juillet 1901, permettait au gouvernement de fermer par décret les écoles dirigées par des congrégations. En 1903, Emile Combes décide d’appliquer cette loi. (à ne pas confondre avec les inventaires en 1905-1906).

 

  La maison mère des frères de La Mennais à PLOËRMEL compte à l’époque 407 des 2.000 religieux de la congrégation (qui se compose de 450 établissements dont 357 en France). Le prestige des frères est considérable et ils sont à l’avant-garde des méthodes modernes d’enseignement (ce sont eux qui , 8 ans avant la loi Guizot, créent dès 1825 les premières écoles normales d’instituteurs).

 

  Le 6 avril 1903, une lettre d’Emile Combes, président du conseil, est notifiée par le commissaire de police aux frères de PLOËRMEL. Elle prononce la dissolution effective de la congrégation dans un délai de 3 mois. Les frères se préparent à la sécularisation ou à l’exil, et cachent les ouvrages les plus précieux et les plus anciens chez l’habitant .

 

  Pour éviter les troubles, l’expulsion est programmée dans le plus grand secret, à la date du 12 février 1904. A 4 heures du matin, 1.200 soldats (1.000 à pied, 200 à cheval) quittent VANNES par train spécial. Le dispositif est aux ordres du Lieutenant-Colonel Ducasse, commandant le 28ème régiment d’artillerie. Ils arrivent en gare de PLOËRMEL à 5 heures du matin, ainsi que 12 brigades de gendarmerie, et sont accueillis par le tocsin.

 

  La matinée est consacrée à l’évacuation, calme mais dans un climat tendu, de la maison mère qui a été cernée. Les portes sont forcées à coups de pioches (l’autorité civile est représentée par un sous-liquidateur : François Surty, géomètre de profession, qui n’est ni homme de loi, ni fonctionnaire). Les frères quittent la chapelle en procession, emportant le  Saint-Sacrement vers l’église paroissiale.

 

  Dans l’après-midi, les Ploërmelais se sont regroupés dans et autour de l’école Saint Armel qui doit être investie. Ils bombardent la troupe à coups de projectiles divers, sans pour autant commettre l’irréparable (il en sera de même à PLOGOFF, dans un autre contexte, 75 années plus tard) . Différents témoins ont recueilli des propos de gendarmes, ‘’confus du rôle qu’ils jouent ’’. Un autre témoin note ‘’l’attitude haineuse du Sous-Préfet, du Procureur, du juge de paix, et de certains gendarmes et soldats’’.

 

  Il faut dire que la situation des militaires de toutes armes, engagés dans cette opération , est très inconfortable. Ils sont nombreux à avoir reçu l’instruction des frères de PLOËRMEL, et se trouvent de ce fait devant un cas de conscience. Ainsi, le Lieutenant-Colonel Ducasse, responsable de l’opération, décline l’invitation pressante qui lui est faite par le représentant de l’état de faire procéder aux sommations préalables à l’usage des armes. (En quelque sorte, un refus d’obéissance ; j’ai moi-même vécu un cas à peu près semblable dans un autre contexte il est vrai, en exigeant un ordre écrit d’ouverture du feu, qui ne m’a jamais été donné par l’autorité concernée. Ce propos est purement anecdotique bien entendu).

 

  Mais , le pire s’est joué quelques heures plus tôt, au reçu de la mission. Cinq officiers de carrière, fidèles à leur foi catholique, refusent de marcher. Leur décision est prise ; elle est irrévocable ; elle brise leur carrière (Il y avait d’ailleurs eu des précédents à Saint Pierre de Chartreuse en 1903, et à La Guerche en 1904).

 

 Les 5 officiers se nomment :

 

  Capitaine de Beaudrap - Capitaine Morel - Lieutenant Boux de Casson – Lieutenant Boulay de la Meurthe – Lieutenant de Torquat .

 

  Ils sont mis aux arrêts et comparaissent devant le conseil de guerre à NANTES, pour refus d’obéissance .Ils sont condamnés pour abandon de poste et contraints de quitter l’armée. Voici un extrait des propos qu’ils ont tenu pour leur défense :

 

  Boux de Casson :  En Algérie, en Chine, j’ai appris à respecter la mosquée et la pagode. Rentré en France, je n’ai pu coopérér à l’expulsion des ministres de ma religion.

 

De Torquat : J’ai fait l’abandon de tout à mon pays, mais je ne crois pas que mon pays puisse me demander l’abandon de mon honneur et de ma conscience.

 

De La Mothe : Dans des cas semblables, chacun est libre de ses sentiments. Je respecte ceux de mes chefs, mais je garde les miens.

 

******

 

  Le sens de l’honneur et la loyauté de ces officiers est indiscutable. Et comme l’histoire se répète parfois, je peux rappeler que, lors d’évènements plus récents, des officiers n’ont pas hésité à sacrifier leur carrière pour ne pas trahir ce qu’ils considéraient comme ‘’la parole donnée’’. Je pense très précisément au drame des harkis, en Algérie, et au cas de conscience de leurs gradés d’encadrement.

 

  Le Capitaine de Beaudrap meurt en 1908. Ses quatre camarades rejoignent volontairement  comme simple soldat l’armée française en 1914. Ils sont rapidement promus à leur grade antérieur. Boux de Casson et de Torquat meurent au champ d’honneur. Le Capitaine Morel meurt des suites de ses blessures en 1922. Boulay de La Mothe survit et meurt en 1951.

 

  Cette parenthèse m’a paru nécessaire pour dire que les officiers ne sont pas toujours conformes au cliché simpliste qui voudrait en faire des arrivistes, sans état d’âme, uniquement préoccupés par leur carrière et leur avancement. J’ai reçu une formation d’officier, et j’en suis fier. J’ajoute encore que je suis en possession d’une documentation pour justifier ce que j’ai écrit au sujet des officiers précités.

 

******  

 

  La loi de 1901 avait pour but d’exclure les religieux de l’enseignement des jeunes Français. La dispersion des frères de PLOËRMEL, dont le supérieur mort d’une crise cardiaque, devient une victime de la persécution,  fait grand bruit dans le diocèse de VANNES, tout comme la confiscation de l’évêché et du grand séminaire.

 

  L’engagement massif des prêtres dans les armées au cours de la deuxième guerre mondiale, au côté des instituteurs laïcs, leurs camarades de combat, contribuera à faire lever dans les faits, l’interdit. Les uns comme les autres, ont fait preuve de courage physique, intellectuel et moral. A ce titre, ils méritent le plus grand respect, celui que l’on doit aux hommes de conviction, laïques ou religieux.

 

  La période de VICHY, avec l’arrivée au pouvoir d’hommes proches des thèses catholiques traditionnelles, autorise la première l’octroi de subventions publiques aux écoles privées. Les frères reprennent d’ailleurs en 1941 possession de leur maison de PLOËRMEL , récupérée par un prête-nom au début du siècle. A la libération, la gauche laïque reprend évidemment le dessus malgré l’action du MRP favorable aux écoles privées (cf :Les bretons et Dieu page 188).

******     

  PLOËRMEL n’est pas en Cap-Sizun. Soit ! Mais les frères de la congrégation qui porte ce nom ont été en Cap-Sizun, particulièrement à AUDIERNE, PONT-CROIX (et DOUARNENEZ, ville toute proche) ou y sont encore. Leur histoire méritait d’être racontée. Mais je fais amende honorable pour m’être écarté du sujet. J’espère que c’est pour la bonne cause, celle qui prône le combat contre le sectarisme. A chacun selon sa conscience !!

A Suivre Ma Bro Ar C'Hap Gwechall suite 11

 

 

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3 novembre 2013 7 03 /11 /novembre /2013 21:27

Ma Bro Ar C'Hap Gwechall suite 11

                          5- Le petit séminaire Saint Vincent de Pont-Croix – 

(référence : le petit séminaire Saint Vincent par René Gougay)  

  Le Cap-Sizun n’a pas été baptisé ‘’la Terre des Prêtres’’, qualificatif attribué au Léon, extrémité nord-ouest du Finistère, patrie des Léonards, et pourtant !! Le chef-lieu de canton, PONT-CROIX, a abrité pendant un siècle et demi un petit séminaire : Saint Vincent. On ne peut parler du Cap sans évoquer cette institution. Un siècle et demi d’histoire, à résumer en quelques mots.

  Rappelons que le concile de TRENTE s’est déroulé en Bologne de 1545 à 1563, avec pour objet la réforme de l’église ( contre réforme), dirigée contre les protestants, que la Saint Barthélémy a eu lieu en 1572 (3.000 victimes de la tuerie-boucherie de l’intolérance) et que l’inquisition (Sainte Inquisition) mise en place par le pape Innocent III en 1199, a théoriquement disparu au XVIII ème siècle, après avoir marqué son passage chez  les Cathares ( 1244 : capitulation de Montségur, 200 hérétiques sont brûlés sur le bûcher – une stèle commémore ce massacre).

  Le terme de petit séminaire a été adopté au XVIII ème siècle. La révolution avait détruit le système éducatif religieux, sans pour autant le remplacer efficacement.

  L’histoire du petit séminaire de PONT-CROIX  commence avec Monsieur Rochedreux, vicaire de MAHALON , résidant à GUILERS, prêtre insermenté (réfractaire), et déporté en Espagne.Après avoir vécu 10 ans à COMPOSTELLE, il est affecté à PONT-L’ABBE où il exerce de 1806 à 1807, et fonde une école destinée à former les futurs séminaristes. Suite à des discussions au conseil municipal de cette ville, il décide de transférer son école (une quinzaine d’élèves) à PONT-CROIX, et s’installe au manoir de Trefest. Au bout de quelques mois, l’école comptait 45 élèves dont 24 aspirants au sacerdoce. Déménagement en 1809, en raison des mauvaises relations locataire- propriétaire. Le couvent des Ursulines ( fondé en 1652), appartient à Monsieur Tréhot de Clermont que nous connaissons déjà puisqu’il a été le rédacteur des cahiers de doléances de PONT-CROIX ( une partie de ce couvent est louée à la gendarmerie). Le couvent des Capucins d’AUDIERNE  appartient à Monsieur Delécluze qui refuse de le louer. Le presbytère de PLOUHINEC  est refusé. Reste le presbytère de MEIL ARS que Monsieur Rochedreux achète.

  L’école de MEILARS  va fonctionner de 1805 à 1822, successivement avec Monsieur Rochedreux de 1805 à 1812, une interruption de 1812 à 1819, avec Monsieur Madec de 1819 à 1822 ( piètre administrateur), puis à partir de 1822 avec Monsieur Le Coz. (depuis 1817, le recteur de PONT-CROIX était Monsieur Jaffry, prêtre réfractaire natif d’ESQUIBIEN).

  Monsieur Le Coz fut le créateur de la grammaire latine (2 éditions), conseillant par ailleurs une méthode pour apprendre le français aux enfants de la campagne. Je cite René Gougay :

 

  « sur une page divisée en 2 colonnes, l’enfant écrit 10 mots bretons dans la colonne de gauche et les 10 mots français correspondants dans la colonne de droite. Il les apprend, il les répète, à raison de 10 mots français par classe ; il en sait 80 à la fin de la semaine, 320 à la fin du mois ».

 

  Nous sommes loin de l’école Diwan et de sa méthode par immersion. Quant aux châtiments corporels, il ne faut y recourir qu’avec l’autorisation des parents.

  En 1822, Monsieur Le Coz pense qu’il faudrait acquérir le couvent des Ursulines à PONT-CROIX. Le contrat de vente est signé pour 16.000 livres, le 2 juillet 1822, en l’étude de Monsieur Le Bris-Durest, notaire à PONT-CROIX. ( ce nom est toujours porté à PONT-CROIX). Le petit séminaire de PONT-CROIX est né ; il est autorisé à recevoir 250 élèves. Un parchemin déposé dans les fondations dédie la nouvelle chapelle à Saint Vincent de Paul. On peut noter aussi que le dernier Supérieur concordataire fut Monsieur Jean-François Belbéoch surnommé ‘’Père Fanch’’ . Natif de PLOARE, ordonné en 1865, il mourut en 1910 et fut enterré au cimetière d’AUDIERNE où il avait de la famille : Monsieur Gabriel Miossec, député sous la V ème république, était son neveu. (L’histoire a voulu que je connaisse bien Monsieur Miossec pour avoir travaillé à la glacière d’AUDIERNE comme manœuvre pendant les vacances scolaires. Mon travail consistait à manipuler des barres de glace de 25 kilogs destinées au broyage. Ceci se passait après la guerre, lors de la création des établissement Picaud . Plus tard, dans le cadre de mes fonctions militaires, je l’ai à nouveau côtoyé à la chambre de commerce de QUIMPER et lors de la marée noire du Torrey Canyon. L’histoire est faite de coincidences ; il n’est pas inutile de la connaître). 

  Les familles chrétiennes, des milieux aisés en général, n’avaient pas confiance dans les collèges publics. En 1850 la loi Falloux autorise la création de collèges secondaires libres. J’ai déjà dit , en rappelant quelques dates, que cette loi fut combattue par Victor Hugo. Rappelons aussi que les ordonnances de 1828 imposaient aux élèves le port de l’habit ecclésiastique à partir de 14 ans, et après 2 années de séjour dans l’établisement ( ceci ne fut pas appliqué à PONT-CROIX ). 

  Dans les lycées napoléoniens, la vie quotidienne était réglée par des roulements de tambour. A PONT-CROIX, la cloche remplace le tambour. Quant au congé hebdomadaire, il est fixé au mercredi au lieu du jeudi, jour de foire. Pas de vacances à Noël, 3 semaines à Pâques, 2 mois de grandes vacances : août et septembre. Les vacances de neige ou autres classes de mer n’étaient pas encore inventées. (Il fut aussi question d’un ‘’pré petit séminaire’’. Un projet fut étudié à AUDIERNE dans la propriété de l’ex député Guezno qui avait dû s’exiler en 1816).

  Les professeurs sont presque tous des ecclésiastiques, et l’accent est mis sur la rhétorique (enseignement des secrets de l’éloquence pour servir la gloire de Dieu).

  Les gens du Cap connaissent tous le ‘’Pont Physique’’, situé entre AUDIERNE et PONT-CROIX, à hauteur de l’ancien parc à huîtres, sur l’ancienne voie ferrée reliant AUDIERNE à DOUARNENEZ. Mais ils ne seraient sans doute pas tous capables d’expliquer l’origine de ce nom pour lequel il y a d’ailleurs plusieurs versions. En voici une : Monsieur l’Abbé Roland Guizouarn, originaire de PLONEVEZ-PORZAY, enseignait la physique, la chimie et l’astronomie au séminaire en 1832. Baptisé ‘’Père Physique’’, il aimait conduire ses élèves en promenade sur la route d’AUDIERNE, vers ce pont près de Suguensou, tout naturellement baptisé ‘’Pont Physique’’, et passé à la postérité sous ce nom. J’ai entendu une autre version faisant état d’un ballet de korrigans sous le pont , à la pleine lune ( tour de magie se dit ‘’taol fisik’’ en breton). Le spécialiste de la toponymie celtique : Jean Marie Plonéis ne s’est pas prononcé sur ce sujet. La première version paraît tout de même plausible. Monsieur Guizouarn est mort en 1846, à Porspiron (BEUZEC), enlevé par une lame au cours d’une partie de pêche. (Cette fin tragique a été racontée dans une Guerz).

  De nombreux élèves arrêtent leurs études au niveau de la classe de 4 ème. Surnommés  les ‘’PAOTRED AR C’HATRIEM’’, ils essaiment dans leurs paroisses d’origine où ils se présentent avec une instruction générale moyenne sans doute, mais marqués par l’éducation cléricale avec laquelle les instituteurs laïques devront composer. On les retrouvera à la JAC, jeunesse agricole catholique, organisation  qui a tenu une place éminente dans le monde rural en fournissant de nombreux syndicalistes et techniciens de l’agriculture. Ceci n’a pas échappé à Christian Pelras dans son ouvrage sur GOULIEN (pages 98 et 225). On les retrouvera aussi dans le type sociologique défini par Anne Denez Martin et déjà cité : ‘’les Fayots’’, ainsi que dans certaines municipalités comme maire, adjoint ou conseiller, particulièrement lorsque le clergé faisait et défaisait les élections locales.

  Il me paraît encore intéressant de signaler que le canton de PONT-CROIX a fourni au diocèse 159 prêtres de 1803 à 1898, quasiment tous formés initialement au petit séminaire Saint Vincent.

  En voici la répartition par communes  capistes :

  AUDIERNE : 13 - BEUZEC : 9 - CLEDEN : 36 - ESQUIBIEN : 15 - GOULIEN : 25 - Île de SEIN : 1 - MAHALON : 4 – MEILARS , CONFORT :1- PLOGOFF : 16 – PLOUHINEC : 10 -  PONT – CROIX : 18 – PRIMELIN : 11 -  

  Faut-il reparler du ‘’C’HAP DON ‘’ à l’analyse des ces chiffres ??

******  

  Comme les frères de PLOËRMEL, le séminaire de PONT-CROIX a dû se plier aux lois de la République ;  les petits séminaires sont supprimés à partir du 14 décembre 1906. Les élèves sont libérés le 13. Le bruit avait couru que les professeurs seraient expulsés le 15, ce qui déclencha une manifestation des paysans originaires de MAHALON-MEILARS , auquels se joignaient bientôt 100 marins mobilisés par Henri de Lécluse, maire de PLOUHINEC. Le Cap bouillonnait déjà en 1906, bien avant PLOGOFF. Quand on dit que l’histoire est un éternel recommencement.. !!

  Par une subtilité juridique, l’établissement devenait école secondaire en 1907, mais le bail était refusé par le conseil d’état, ce qui entraînait l’expulsion à la date du 29 janvier.

  La troupe, renforcée de gendarmes, intervient à 7 heures du matin malgré l’opposition de la population et des occupants du collège : portes défoncées à coups de haches, combats dans le cloître etc..Les biens destinés à la vente (immeubles et terrains) sont estimés à 150.000 francs, mais les acquéreurs potentiels sont menacés d’excommunication par l’évêque de QUIMPER Monseigneur Duparc. Le diocèse rachète l’ensemble en 1913 et l’établissement est réquisitionné en 1914 pour devenir hôpital militaire temporaire. Les élèves retrouvent PONT-CROIX en 1918 (205 élèves en 1919-1920). En 1920 un élève porte parole de ses camarades déclare :

  «  Nous nous mettrons avec ardeur au latin et au grec……mais à côté nous  ferons une place honorable à la langue de nos pères, le Breton, que nous devons aimer et conserver, parce que c’est la langue d’une race vaillante qui a tout à gagner à rester fidèle à ses coutumes et ses traditions ».

  Dont ACTE !!!

  Mais la pénurie des vocations commence à se faire sentir dès 1920 (peut-être et même sans doute une conséquence de la seconde guerre mondiale). Ceci n’empêche pas la fête du centenaire de l’enseignement libre, de se tenir en 1931. A cette occasion, un ancien élève, devenu avocat et député prononce un discours et pose une question :

« A qui est l’enfant ? Notre réponse est ‘’au Père de famille par délégation de Dieu’’.

  Il s’agit de Jean Jadé, député du Finistère et adversaire invétéré de Georges Le Bail, le bigouden. Cette anecdote n’est pas sans intérêt pour moi, à titre personnel, car il se trouve que ma propre mère a été bonne à tout faire et ‘’Nounou’’chez Maître Jadé, avant son mariage en 1918.

  Notons encore dans l’assistance un autre personnage considéré : Jean Hénaff, maire de POULDREUZIC, conseiller général, et créateur du pâté qui porte son nom.

  D’autres anciens élèves ont des noms connus dans le Cap :

Raphaël Kérisit, ancien négociant en vins à AUDIERNE, Xavier Trellu de DOUARNENEZ, ancien député et sénateur, Auguste Boussard, de PLOGONNEC, ancien vicaire à AUDIERNE qui deviendra Monseigneur Boussard, évêque de VANNES en 1964, Jean Bonthonneau de PONT-CROIX, avocat, Jean-François Coatmeur écrivain, dont je reparlerai plus loin, Joseph Halléguen, député-maire de QUIMPER, Louis Orvoën de MOËLAN futur député et président du conseil général du Finistère, Louis Marc de Querrien, ancien président du tribunal militaire à ALGER et directeur de la gendarmerie nationale etc…

  Autant dire que le petit séminaire de PONT-CROIX  est une vénérable et véritable institution capiste au rayonnement certain, fournisseur incontestable de personnages importants, voire puissants.

    Le séminaire de PONT-CROIX , victime de la crise des effectifs et des vocations ainsi que de sa situation géographique excentrée, se voit bientôt condamné à la fermeture. Le décision est effective en 1973. L’histoire du petit séminaire s’achève avec l’année scolaire 1972-1973. J’ai déjà dit que durant un siècle le collège Saint Vincent a fourni au diocèse environ la moitié de ses prêtres. Une statistique datant de 1952 annonce que sur 1.087 prêtres exerçant dans le diocèse, 408 sont anciens de PONT-CROIX, auxquels il faut ajouter 98 qui exercent ailleurs. Ce chiffre est confirmé en 1985 (303 sur 729).  

******   

  Un ancien élève : Jean-François Coatmeur, écrivain, membre de l’association des écrivains bretons au sein de laquelle je l’ai rencontré, apporte toutefois un petit bémol au fonctionnement de cette institution, dans un article publié par ‘’Bretagne Magasine’’ en 2002. Je cite :

  « Certaines pratiques du petit séminaire me sont restées en travers de la gorge. Et en premier lieu, dans cette maison emblématique de la religion, la connivence de fait avec l’injustice sociale… Contrairement à une opinion répandue, les études étaient payantes ; on avait prévu 2 classes comme à la SNCF, 2 régimes qui s’y côtoyaient en fonction des revenus des parents. Ceux des miens étaient très modestes, j’étais donc régulièrement privé de dessert… système inique dont la réminiscence me scandalise encore ».

  Il parle aussi du congé fixé au mercredi, en raison de la foire du jeudi au cours de laquelle les élèves auraient pu « frôler dans la foule la croupe dodue de quelque aguichante fermière ». Péché d’impureté ! Vade Retro Satanas ! Je cite encore :

  « pour autant, le petit séminaire aura contribué à m’installer pour toujours dans le camp des humbles, de ces ‘’affamés de justice’’ dont il est question aux Ecritures…J’ai connu à PONT-CROIX, je n’ai pu le taire, l’endoctrinement. Mais je n’oublie rien, et sûrement pas que PONT-CROIX m’ a fait ce que je suis, pour le meilleur et pour le pire ».

******   

  Celui qui écrit ces lignes croit pouvoir ajouter que, n’étant pas ancien du petit séminaire, il n’a pas qualité pour juger mais, que étant comme Jean-François Coatmeur ‘’affamé de justice’’, il s’autorise à partager son point de vue . Je n’oublie rien non plus, et surtout pas que c’est l’école publique, laïque et républicaine qui m’a fait ce que je suis , pour le meilleur et pour le pire bien-sûr, sans jamais, dans sa neutralité, empiéter sur mes convictions religieuses.  

******      

  Pendant les évènements de PLOGOFF, le petit séminaire a servi de cantonnement aux forces de gendarmerie, au cours de l’enquête d’utilité publique. J’en reparlerai, à propos de PLOGOFF. Cette situation entraînera une protestation des anciens élèves du collège  Saint Vincent, parmi lesquels des prêtres. Ils s’insurgent contre l’occupation de l’établissement et le traitement appliqué aux émeutiers (René Pichavant, page 181). Après ces évènements, le petit séminaire  retrouve son calme. Mais les gendarmes ont laissé derrière eux un document oublié dans un tiroir, signé Deiber. Il s’agit du Colonel, futur Général de gendarmerie Deiber, dont j’ai déjà parlé, mon ancien condisciple et voisin de chambre à l’école d’application de l’infanterie à SAINT-MAIXENT en 1954-1955. Le monde est petit !!

******   

  Et aujourd’hui ? Le séminaire va-t’il ressusciter ? Le télégramme du 5/10/2002 nous apprend que Monsieur Lucien Peuziat, capiste d’origine ayant fait carrière dans la construction, a acquis pour 30.000 €  (196.787 Frs) les bâtiments disponibles. (Certains petits bâtiments annexes appartiennent déjà à la ville de PONT-CROIX (salles municipales). L’idée de l’acquéreur est de faire pour le Cap une sorte de centre culturel au rez de chaussée, et une quarantaine d’appartements dans les étages. On ne peut que souscrire à ce projet et l’encourager bien entendu. Mais on peut aussi se demander si , une fois de plus, le Cap n’est pas victime d’un découpage administratif obsolète, qui crée 11 communes en Cap-Sizun (non compris l’île de Sein), ce qui entraîne l’absence de projets collectifs sérieux, cohérents et surtout un esprit de clocher exacerbé, doublé d’individualisme.

  N’y avait-il pas matière à étudier, autour de PONT-CROIX, un sérieux projet capiste à partir du séminaire, compte tenu de la proximité de la zone de Lannéon  disponible pour devenir une base de loisirs. A vouloir implanter sur ses terres, qui un aquarium, qui autre chose, autour de structures totalement inadaptées, dans des surfaces insuffisantes, sans traiter les problèmes d’aménagement dont les  accès font partie, se traduit par l’inexistence du projet global dont le Cap a besoin pour son économie et même peut-être pour sa survie. Ah , ces ‘’Paotred ar C’hatriem’’ du séminaire, dont la formation a avorté, confrontés aux problèmes de l’informatique sans savoir se servir d’un ordinateur, parmi lesquels aucune personnalité ne se dégage puisqu’ils ne sont pas capables de fournir un député, et dont les dossiers traînent ici ou là dans les méandres obscurs des administrations car ils ne sont pas plaidés et défendus au bon niveau !!!

 

 Sacrée Marie-Jeanne ! J’espère te convaincre parce que ‘’Ton Cap fout le camp’’ !!!

 

  J’ai traité à part  le cas des Capucins d’AUDIERNE en leur consacrant un chapitre mais je rappelle encore le role joué par ces religieux en milieu maritime où ils enseignaient l’hydrographie et la navigation. Cela fait aussi partie de l’enseignement.

  Reste à faire le point de la situation actuelle, sans tomber dans une fastidieuse énumération de statistiques. Quelques chiffres suffiront :

  En 1987, le collège d’AUDIERNE-PLOUHINEC, dit de Locquéran accueillait 360 élèves contre 290 au collège Saint Joseph ;A la rentrée 2002-2003, ces chiffres tombent à 289 pour Locquéran contre 91 à Saint Joseph . Il faut cependant ajouter pour l’enseignement libre, 131 élèves à Notre Dame de Roscudon (PONT-CROIX) pour avoir une idée du Cap et du rapport privé-public.

  En 1950-1951, les chiffres départementaux  attribuaient à l’enseignement public 55 % des élèves contre 45 % au privé (ces chiffres sont à moduler car le Léon , où le privé est dominant influe sur ces pourcentages).

  En 1998, l’enseignement primaire comptait 112.800 élèves en public, contre 73.350 en privé. Cette situation était comparable dans les collèges : public 90.000, privé 66.250.  

  On peut donc considérer que la laïcité est en train de prendre le pas sur l’enseignement confessionnel, puisque au début du XX ème siècle, la situation était exactement inverse : 90.000 élèves dans l’enseignement secondaire religieux, 80.000 dans les écoles secondaires laïques. Le Cap-Sizun n’échappe donc pas au phénomène. Les raisons sont multiples et se situent principalement au niveau de la religion. Cette religion fait l’objet d’un chapitre à part entière, traité plus loin.

  L’enseignement religieux est une des courroies de transmission de la religion, et comme elle, subit l’érosion. Citons encore la régression des vocations dans les congrégations enseignantes, la suppression de l’enseignement purement religieux (catéchisme), l’évolution des mœurs, les excès commis par le sectarisme et l’intolérance, et enfin la télévision devenue maîtresse à penser de la société de consommation, qui banalise le moindre événement, surtout ceux qui portent préjudice, aux uns comme aux autres. Tout cela a des effets et laisse des traces. A terme, et compte tenu du principe de l’union qui fait la force, on peut imaginer des regroupements au sein de l’enseignement libre, par exemple entre AUDIERNE et PONT-CROIX . Les communautés  de communes sont à la mode, et c’est tant mieux, les paroisses disparaissent pour être regroupées en secteurs pastoraux, et c’est tant pis, alors disons que demain, sera demain.

  Le sage dit toujours au vieillard qui rabâche :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« de ton temps, c’était ton temps ».

  L’avenir, c’est demain, et pour traiter les problèmes de demain, il faudra sans doute remplacer quelques « Paotred Ar C’hatriem » par quelques Marie-Jeanne d’avant-garde, sinon, ‘’tout foutra le camp’’ comme le café de la Comtesse du Barry citée en préambule. Les hommes responsables, ou tout au moins considérés, et rémunéres comme tels, ont grandement démontré ce qu’ils ne savaient pas faire. Pourquoi ne pas donner les responsabilités aux femmes  de bon sens, à part entière, en laissant aux hommes la parité qui leur revient pour éviter la discrimination. J’en reparlerai, mais déjà, Marie-Jeanne, tu dois savoir que l’heure approche sans doute !!! Souvent présenté comme une société de type matriarcal, il ne tient qu’au Cap-Sizun de vérifier si cette réputation est exacte en faisant émerger quelques égéries aptes à tenir la barre car c’est du gros temps qui se prépare, et il faudra peut-être mettre le Cap à la cape.

A Suivre Ma Bro Ar C'Hap Gwechall suite 12 

 

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3 novembre 2013 7 03 /11 /novembre /2013 21:26

Ma Bro Ar C'Hap Gwechall suite 12

LES  RELIGIONS

 

 

Faut-il parler des religions à propos du Cap-Sizun ? Ne s’agirait-il pas plutôt de la religion, puisque la religion catholique, apostolique et romaine est la seule pratiquée dans le canton. Pour autant, il n’est peut-être pas inutile de faire un bref historique, ne serais-ce que parce que des évènements étrangers au Cap ont néanmoins influencé la vie religieuse locale. Il est incontestable que toute notre histoire se situe dans un rapport de forces entre dominants et dominés, les ordres dominants étant la noblesse alliée au clergé pour faire suer le burnous du tiers-état.

 

1-     Les évènements essentiels : la Réforme , le concile de TRENTE , la Ligue–

    Je ne remonterai pas à la période celte déjà évoquée dans un chapître précédent. Nous avons déjà dit que nos ancêtres étaient venus d’Angleterre, emmenant avec eux leurs chefs religieux qui vont créer les paroisses et bâtir églises, chapelles et monuments. Les chapelles feront l’objet d’une étude particulière plus loin. Je ne ferai pas non plus un tour d’horizon complet de la religion chrétienne, de sa naissance à nos jours. Il serait sans intérêt et sans doute ardu de traiter la situation religieuse du Cap, à l’époque de la papauté en AVIGNON (1309-1378) ou de Jeanne d’Arc brûlée vive à ROUEN en 1431. Donc , passons et limitons nous aux incontournables.

           11:La Réforme :1520

     Ce terme qualifie un mouvement religieux né en Allemagne autour de 1520. Il se forme en réaction contre la manière dont l’église catholique se comporte dans différents domaines touchant aux fondements de la doctrine (Les saintes écritures et leurs commentaires), aux mœurs des membres du clergé, aux relations entre le sacré et l’argent, ainsi qu’à la reconnaissance de l’autorité universelle du Pape.

 

 

 

 

 

 

  La Réforme modifie surtout l’approche traditionnelle du salut. Comment être sauvé ? Le salut est-il offert à tous ou à quelques uns , et si oui sur quelles bases ? Voilà le point le plus important, puisque les statuts respectifs du ‘’pauvre’’ et du ‘’riche’’ au moyen-âge, ainsi que l’assistance de l’un à l’autre,  sont fondés sur l’échange ‘’entre les fruits du ciel contre les fruits de la terre’’.

  On connaît trois formes principales au protestantisme : le Luthéranisme fondé par Luther, le Calvinisme fondé par Calvin, et l’Anglicanisme crée par Henri II et défini par sa fille Elisabeth  1ère.  

  Luther n’admet que 2 sacrements : le baptême et l’eucharistie. Calvin est plus extrémiste que Luther dans la recherche des moyens du salut. L’Anglicanisme est un mélange de catholicisme et protestantisme. Il n’est peut-être pas nécessaire de s’étendre davantage sur ce point particulier de notre histoire qui n’a pas exactement concerné le Cap-Sizun. On ne peut cependant l’ignorer.

          12- Le concile de TRENTE –

  Le concile de TRENTE (1545-1563), me paraît un point de départ convenable. Il fut convoqué par le Pape Paul III, à la demande de Charles-Quint, pour répondre au développement de la réforme protestante. Il devait permettre à l’église d’opérer sa propre réforme, et de réunir à nouveau les chrétiens. Mais on peut déjà noter que si ce concile a eu le mérite d’abolir un certain nombre des abus de l’église catholique et de reviser ses institutions, il aboutit plutôt à la séparation définitive des deux religions. La Saint Barthélémy a eu lieu en 1572, et la Sainte Ligue dite encore Sainte Union a été active de 1576 à 1594. ( dans les faits, les guerres de la ligue vont de 1588 à1599). La Bretagne n’était française que depuis le mariage de la fille d’Anne de Bretagne : Claude, avec le futur François 1er en 1532. (roi de 1515 à 1547) . Henri IV, roi de France de 1589 à 1610, était protestant.

 

 

 

 

          13-La Ligue :

   Les combats de la ligue ont laissé des traces en Bretagne. Les bretons se sont soulevés contre leur gouverneur : le duc de Mercoeur qui voulait s’approprier la province en profitant des troubles. Des bandits comme  La Fontenelle, dont le repaire était dans l’île Tristan en baie de DOUARNENEZ se sont signalés en Bigoudénie et à PONT-CROIX. (La Fontenelle fut roué et écartelé à Paris en Place de Grève le 27 septembre 1602). Quant aux protestants, ils existent encore actuellement et disposent de lieux de culte  à BREST, LESCONIL, LECHIAGAT, MORGAT, QUIMPER, CONCARNEAU, CARHAIX, DOUARNENEZ, MORLAIX etc.., dans leurs diverses formes d’églises réformées, évangéliques ou Pentecôtistes, ce qui est encore un autre sujet. 

 

 

  Je ne reviendrai pas sur tout ce qui a pu expliquer ou  pour certains justifier les  guerres de religion avant la ligue. Encore un autre sujet.

  Il faut savoir que de grands seigneurs comme les Rohan adhérèrent au protestantisme : c’est la douairière de Rohan qui prit l’initiative de faire venir des pasteurs à BLAIN (Loire Alantique)  dans son château en 1562. Ce château fut d’ailleurs incendié par les Espagnols en 1591. Notons enfin que le duc Henri de Rohan (1579-1638), gendre de Sully que je ne présente pas, était également protestant.

  Mais revenons à la Ligue. Les protestants font appel aux Anglais et Hollandais, tandis que le Espagnols accourent au secours des ligueurs. En Bretagne, les partisans de la ligue, catholiques convaincus, luttent de toutes leurs forces contre les ‘’Parpaillots’’ et leur chef le duc de Mercoeur (nommé gouverneur de la Bretagne le 5 / 9 /1582 ).

  Les Espagnols s’installent en 1590 dans la forteresse du Blavet (actuellement PORT-LOUIS, près de LORIENT , Morbihan).. Le détachement de 7.000 hommes est commandé par Don Juan del Aguila (qui ordonnera l’incendie de BLAIN en 1591). Désirant s’installer à BREST, Juan del Aguila envoie 400 hommes dans la presqu’île de CROZON , où ils arrivent en mars 1594 .

  Le roi Henri IV choisit le Maréchal d’Aumont pour reprendre et pacifier la Bretagne. Celui-ci quitte RENNES en août 1594, s’empare de MORLAIX le 21 septembre, QUIMPER le 12 octobre . A ROSCANVEL, la disproportion des forces en présence : 4.000 Français, 400 Espagnols, laisse augurer d’une fin rapide. Mais les Espagnols arrivent en renfort ; 4.000 hommes sont à LOCRONAN le 6 novembre. Malgré leur résistance, les Espagnols sont écrasés et massacrés. Dès 1595, il n’y avait plus un seul Espagnol en Basse Bretagne. Il y eut cependant des mariages et des naissances, peu certes, mais suffisamment pour justifier le nom de la pointe dite des Espagnols, au nord du Cap, dans la presqu’île de CROZON.

 2-     D’autres évènements à conséquence

           21- La révolte des bonnets rouges en 1675-

   Cette révolte populaire et paysanne également connue sous le nom de révolte du ‘’papier timbré’’, se déclenche sous le règne de Louis XIV. Des émeutes ont lieu à RENNES, NANTES et GUINGAMP, et la répression du pouvoir royal est féroce.

 

 

 

 

 

 

  C’est un événement parce que les révoltes sont rares en Bretagne (d’autres révoltes avaient cependant eu lieu en 1490 ; elles ont fait l’objet d’une gwerz intitulée ‘’Le Faucon’’ dans le Barzaz Breiz de La Villemarqué). Je reviendrai sur ce sujet en étudiant les mouvements sociaux, mais la révolte des Bonnets Rouges doit être citée dans l’étude de la religion car elle a eu des conséquences.

  Les points forts de cette révolte sont près de nous CHATEAULIN, le Nord-Est de QUIMPER, DOUARNENEZ et la Bigoudénie. Les impôts décidés par Colbert sont impopulaires. Le gouverneur de Bretagne : Monsieur de Chaulmes organise la répression. Pour frapper les fameux ‘’Bonnets Rouges’’, il décide de sanctionner la religion en faisant décapiter 6 clochers chez les Bigoudens : Lambour, Languivoa, Lanvern, Tréguennec, Saint Honoré et Combrit. Bien que ne concernant pas directement le Cap, cet évènement méritait donc d’être cité ici, pour des raisons purement historiques , et aussi parce que certains de ces clochers servent aujourd’hui de symbole pour exprimer à l’occasion des revendications ;.

           22-La conspiration de Pontcalleck : 1720

   Hersat de La Villemarqué, précédemment cité, en a fait une Gwerz, chantée entre autres par Gilles Servat. Elle relate l’histoire des ‘’Frères Bretons’’ qui voulaient restaurer les privilèges de la province avec l’appui de l’Espagne. Trahi, le marquis de Pontcalleck, chef des conjurés, fut jugé et décapité à NANTES. Encore de l’histoire !!

          23-en 1765-

   Conflit entre le duc d’Aiguillon commandant en chef de la province, et son adversaire le procureur général de La Chalotais, déjà célèbre pour sa lutte contre les jésuites, et son essai sur ‘’l’éducation nationale’’ . Le duc dut abandonner ses fonctions.

          24-La révolution-

   Dès l’été 1789, six paroisses du Cap-Sizun s’étaient fédérées pour prévenir les tentatives possibles de contre révolution.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  La constitution civile du clergé est votée le 12 juillet 1790. Quatre des neuf évêchés bretons sont supprimés. C’est l’affaire des prêtres réfractaires déjà évoquée, et sa conséquence : la chouannerie. Les troubles éclatèrent en 1793, mais les bretons participèrent peu  puisque la révolution avait supprimé le ‘’domaine congéable’’ . Néanmoins la chouannerie se poursuivit jusqu’à Bonaparte. Un des derniers irréductibles : Cadoudal, fut décapité à PARIS en 1804. La chouannerie reprit en 1815, pendant les 100 jours de Napoléon, puis en 1831-1832, lorsque la duchesse de Berry tenta de provoquer un soulèvement contre la monarchie de juillet. Rappelons enfin le concordat signé par les représentants de Pie VII et de Bonaparte le 15 juillet 1801, qui reconnaît que la religion catholique est celle de la majorité des français. Toujours de l’histoire !!

        25- Les expulsions : décret de 1880-

  Les congrégations non autorisées doivent être expulsées de leurs locaux . Ces expulsions donnent souvent lieu à des scènes de violence comme celles évoquées dans le chapitre consacré aux frères de PLOËRMEL en 1903 et au petit séminaire de PONT-CROIX. La loi interdit aux établissements libres de s’appeler université. 

 

 

  3-    L’encyclique ‘’RERUM  NOVARUM’’-

          

           31- Généralités-

   L’église se trouve confrontée à beaucoup de problèmes : perte de prestige, perte de prérogatives, évolution sociale. Le Pape Léon XIII publie le 15 mai 1891, l’encyclique ‘’Rerum Novarum’’ sur l’état du travail. On parle encore de cette encyclique aujourd’hui. Elle part d’un constat : la richesse est entre les mains d’un petit nombre et la multitude a été laissée à l’indigence, d’où l’intérêt de parler de la condition des ouvriers. Les sentiments religieux du passé ont disparu des lois et des institutions publiques. Ainsi, peu à peu, les travailleurs isolés et sans défense, se sont vus avec le temps, livrés à la merci de maîtres inhumains et à la cupidité d’une concurrence effrénée.

 

 

  L’encyclique va jusqu’à utiliser le mot ‘’ploutocrates’’, opulents qui imposent un joug servile à la multitude des prolétaires. Pour guérir ce mal, les socialistes poussent à la haine jalouse des pauvres contre les riches. Pour autant, l’église défend la propriété privée et se justifie. Le travail est le moyen universel de pourvoir aux besoins de la vie, dans l’esprit de écritures : 

  «  Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni sa maison, ni son champ, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni rien de ce qui est à lui ».

  Quant à la famille, elle fonctionne sous l’autorité paternelle, et l’élévation de tous au même niveau est impossible car il y a des différences de base telle l’intelligence, le talent, la santé, la force etc…Cependant, il ne peut y avoir de capital sans travail, ni de travail sans capital, et les riches, les patrons, ne doivent pas traiter l’ouvrier en esclave. L’exploitation de la pauvreté et de la misère sont réprouvées par les lois divines (et humaines), et les richesses ne mettent pas à couvert de la douleur. Citant Saint Paul, elle rappelle que c’est aussi le devoir de verser le superflu aux pauvres.

  Mais je ne résiste pas au plaisir, à cette occasion de citer aussi Victor Hugo :

« Donnez, riches, l’aumône est soeur de la prière » .

  Tel est l’ensemble des droits et des devoirs qu’enseigne la philosophie chrétienne.

  L’église veut arracher les travailleurs à la misère. ( autrefois, les diacres étaient chargés de l’aumône). Je rappelle au passage que la misère sévit dans le Cap ; elle a été suffisamment mise en exergue par la thèse du Docteur Heurté étudiée précédemment et  consacrée aux épidémies du XIXème siècle.

  Les impôts doivent être répartis équitablement, l’autorité publique doit prendre les mesures pour sauvegarder les intérêts de la classe ouvrière et l’équité demande que l’état s’occupe des travailleurs. Jamais une classe ne doit opprimer l’autre impunément et les droits doivent être partout religieusement respectés. L’état doit entourer d’une sollicitude toute particulière les travailleurs qui appartiennent à la classe pauvre en général, et il vaut mieux prendre des mesures pour anticiper les grèves. Tous les hommes sont égaux , et il faut arracher les ouvriers aux spéculateurs  coupables de vouloir satisfaire d’insatiables cupidités. Le travail de la femme  et de l’enfant ne peut  rivaliser avec celui d’un homme valide. Le salaire doit être défini et fixé avec justesse.

  L’église a des biens ; ils ont été spoliés. C’est injuste.

  Il faut rechercher l’équité dans les relations patron-ouvrier, et que personne n’ait à souffrir d’injustice. Que les droits et les devoirs des patrons soient parfaitement conciliés avec les droits et les devoirs des ouvriers, et que les riches et les patrons se rappellent leurs devoirs parce que :  La charité est reine et maîtresse de toutes les vertus

****** 

  Voici quelques uns des points essentiels de cette encyclique qui fait 34 pages dactylographiées. Je n’ai évidemment pas tout dit. Aucune autre déclaration sur la question sociale n’a exercé une influence aussi large. L’encyclique a inspiré une grande littérature sociale catholique, et beaucoup de non-catholiques l’ont acclamée. Elle définit en effet toutes les règles du comportement  des uns et des autres dans le monde du travail pour aboutir à une société idéale dans laquelle l’église tiendra le rôle  d’autorité religieuse et morale.

  Oui, Mais !! Il ne faut pas oublier que le monde est monde, et que si la théorie est une chose, la pratique est souvent différente.

  La revue Bretagne Magasine a publié un numéro spécial (été 2002) dans lequel on trouve le point de vue du Père Gusti Hervé, actuellement curé et recteur dans le pays de QUIMPER. Son secteur va de PLEUVEN à  CLOHARS-FOUESNANT, en passant par GOUESNACH et BENODET. Je cite :

  « Le rôle historique de l’église n’a pas toujours été une  force de libération sociale conforme à son message d’origine……Nous sommes historiquement dans une période où partout se développe l’individualisme……Le destin social du prêtre est parallèle à celui de l’instituteur. Ils avaient tous deux une place bien lisible dans l’organigramme de la société. L’instituteur était admiré ……etc ».

  Il semble donc que, de l’avis même d’un membre du clergé, les choses ne se sont pas passées comme elles auraient pu et dû.

           32-Mise en pratique de la théorie-

  Pour vérifier l’application sur le terrain, j’ai estimé pouvoir me référer au livre de Anne Denez Martin : ‘’Les ouvrières de la mer’’ qui relate avec talent les grèves de 1924 dans les usines de conserve à DOUARNENEZ. Certes, encore hors Cap-Sizun dira-t’on, mais tout à fait transposable à mon sens. Ce livre n’est pas un roman. C’est le récit de témoignages recueillis auprès des acteurs. Je cite:

 

 

  « Quand le poisson donnait, c’était une provende ; quand il manquait, une malédiction. Cet aspect imprévisible a été exploité par le clergé…..le péché de chair, l’oubli des pratiques religieuses faisaient fuir la sardine…..

   Neuf grandes familles se partagent le commerce de la sardine :……Delécluze

  La législation existe, mais  elle est contournée par la misère

  Les gens travaillaient souvent jusqu’à midi le dimanche matin, et pendant ce temps-là, il y avait tous ces bourgeois à la grand’messe, aux premiers rangs, en train de chanter le Credo ;

  Comment échapper à la sacralisation du travail, vertu morale et chrétienne par excellence, quand il est l’objet d’un tel culte de la part du clergé et des patrons.

  Les liens entre les usiniers et le clergé sont étroits en ce début du XX ème siècle. Si étroits que leurs pouvoirs conjugués régentent la vie privée et collective des douarnenistes (messe).

  Comme CONCARNEAU et AUDIERNE , DOUARNENEZ est anticléricale.

  A partir de 1905, la collusion entre le clergé et les usiniers se renforce.

  Les femmes surtout vont être l’objet d’une grande sollicitude de la part du clergé. Les femmes et les enfants. Car tout commence par l’éducation…… et la guerre des écoles : l’école libre catholique et l’école communale laïque.

  Les prêtres peuvent, sur ordre de l’évêque, excommunier les parents qui ont mis leur enfant  à l’école communale ; l’école du diable comme on dit alors.

  L’intolérance des prêtres  est grande pour tout ce qui échappe à leur contrôle ;

  Parfois les écoles libres  acceptent des enfants pauvres, quand les notables paient pour eux…les frères de Saint Blaise vont dans les maisons pour convaincre les femmes……partir pensionnaires, pour être ensuite missionnaires, pour être prêtres.

  La ségrégation joue même à l’intérieur de l’école…les enfants ne sont pas mélangés.

  Les filles des Dames ne s’asseyaient pas à côté des filles des femmes.

  La religion, ultime refuge de la ségrégation sociale ;

  Au cathéchisme, on était toujours derrière, ils montraient une préférence…..ils, c’est à dire les prêtres aidés par les usiniers…..Par les dons qu’ils prodiguent au clergé, ils s’en assurent l’allégeance.

  Parfois trop pauvres pour payer le sou que coûte  la chaise, elles assistent à l’office debout, appuyées au confessionnal.

  La grand’messe du dimanche tient de l’opéra.

  L’œuvre de chair ne désireras qu’en mariage seulement. Cette obsession de la sexualité…

  Mais jusqu’à la guerre de 14, et même au delà, morale religieuse et civile ne font qu’un.

  Quand on s’était déguisé (pour les gras), on ne pouvait faire ses Pâques.

  ……La peur du prêtre et de l’enfer

  Qui tient une salle de danse peut être excommunié ;

  Percer le secret des âmes dans le confessionnal. Tout est mis en œuvre pour atteindre cet idéal.

  L’interdit religieux se transforme en devoir dans le mariage.

  Les messes pour le repos des âmes représentent une bonne ressource .

  A LESCONIL, il y avait un centre protestant et un pasteur ; là où il y avait des protestants, on buvait moins.

  La maladie, surtout la tuberculose, est aggravée par la promiscuité.

  Ce sont elles (les grèves) qui ont ouvert la voie en affrontant un des bastions de l’époque : le patronat de droit divin ;

  Les dominants : usiniers, gros patrons pêcheurs,mareyeurs, clergé.

  Avec la complicité du clergé, un système de castes s’est mis en place, qui refoule vers l’arrière la population ouvrière et place au premier rang les usiniers et les notables.

  En 1921, DOUARNENEZ devient la première municipalité communiste de France ;

  Les femmes craignent les représailles du clergé.

  L’église appuie le patronat.

 Les grévistes sont menacés d’excommunication .

  Les usiniers et le clergé unis dans le même combat.

  Les prêtres refusent l’absolution et tous les sacrements aux femmes soupçonnées de vouloir le travail à l’heure ;

  Pour le clergé, sa conduite a été inspirée par un seul mobile : que les conservateurs l’emportent.

  La séparation de l’église et de l’état le rend plus dépendant que jamais du pouvoir politique.

  L’attitude conservatrice du clergé peut surprendre car elle est contraire à la doctrine sociale de l’église, un des éléments essentiels de l’encyclique Rerum Novarum de Léon XIII, promulguée en 1891.

  L’excès de pauvreté et d’injustice fit le reste.

  La présence à la messe, l’absence aux réunions syndicales, sont des gages de bonne volonté ;

  Le péché honni reste le péché de chair ;

  1925 marque un tournant……Dans la conserverie c’est la fin d’un patronat de doit divin ;

  La morale de l’église est intégrée par la communauté et se confond avec la morale civile ».

****** 

  J’entends d’ici le grincheux : ‘’mais DOUARNENEZ ce n’est pas le Cap-Sizun !! Mais on n’a rien écrit sur les conserveries d’AUDIERNE et POULGOAZEC où l’on a compté jusqu’à 19 usines si l’on en croit Ambroise Menou, l’Audiernais bien connu, aujourd’hui disparu. (précision : Ambroise était le gendre de Jean Jadé, député et avocat, précédemment cité ;il a longtemps habité la maison de ses parents sur la route de la Pointe du Raz, ce qui en fit mon plus proche voisin).

 La situation sociale décrite par Anne Denez Martin à DOUARNENEZ était identique dans le Cap. La  collusion clergé-usiniers était manifeste (non compris l’usine Coop de La Montagne à AUDIERNE sur laquelle le clergé n’avait aucune prise). Mais ‘’Pierre’’ou ‘’Queinnec’’ à AUDIERNE ou ‘’Quillivic’’ à POULGOAZEC  étaient manifestement du côté de la paroisse.

  J’ai sous les yeux, une image pieuse datant de 1940. je lis au verso :

 AUDIERNE : la confirmation

Recteur : Monsieur l’Abbé Prigent

Parrain : Monsieur Emmanuel Queinnec

Marraine : Mademoiselle Gabrielle Lannou

11 avril1940

    Je ne ferai pas l’injure aux Audiernais ni aux Capistes de présenter ces parrain et marraine. Ils savent que Monsieur Queinnec était le propriétaire de, vraisemblablement la plus grosse conserverie du Cap.

  Quant à Monsieur Prigent, je l'ai déjà cité dans le paragraphe de la guerre scolaire, à propos d'un refus d'absolution qui a concerné ma propre mère. Si le clergé compte parfois, et je le sais, de saints hommes, il compte aussi le cas échéant des individus sectaires qui portent aujourd'hui la responsabilité du déclin de la religion. Il est peut-être temps de prendre un exemple.

           33- Un exemple: un curé d'avant -hier

(document de référence: l'ouvrage de Yvon Tranvouez: le chanoine Chapalain à lambézellec (1932-1956)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A suivre Ma bro Ar C'Hap Gwechall suite 13  

 

 

 

 

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3 novembre 2013 7 03 /11 /novembre /2013 21:25

             Ma Bro Ar C'Hap Gwechall suite 13   

             

   33-Un exemple : un curé d’avant-hier –

 (document de référence : l’ouvrage de Yvon Tranvouez :  Le chanoine Chapalain à Lambézellec (1932-1956 ) –  

  Que vient faire Lambézellec dans le Cap-Sizun ? Rien !! Sauf que l’Abbé Chapalain a été recteur d’AUDIERNE de 1928 à 1932. Or, je suis né en 1930, à AUDIERNE. J’ai été baptisé le 26 juillet de cette même année 1930, dans une église dirigée par Monsieur Chapalain. Ce personnage pittoresque, défini comme un ‘’athlète du Christ’’,  avait été surnommé ‘’le Bélouga’’ par les marins-pêcheurs d’AUDIERNE. Il est vrai qu’il était plutôt corpulent, et  pesait 115 kilogs. :

« en taol man avaz ez eus digaset eur gwaz deom, ha n’éo ket eur bidorig eo ».

« Cette fois-ci, on nous a envoyé un homme, et pas une demi-portion »

disent le marins. (l’abbé Chapalain, natif de l’île de Batz est mort en 1956). Ce n’est pourtant pas à lui que l’on attribue la phrase quelque peu triviale qui a servi à brocarder certains recteurs à l’embonpoint caractéristique :

« Breudeur ha c’hoarezed Kristen, sellit ouz ma c’hof ha grit pinijenn ».

« Mes bien chers frères, regardez mon ventre et faites pénitence »

  Certains Capistes l’attribuent à un célèbre recteur de Cléden, par ailleurs affublé d’un surnom, mais je pense qu’il n’est pas utile de préciser davantage, sauf à faire preuve d’irrévérence envers la personne, d’autant que rien n’est prouvé.(cette phrase figure aussi dans un livre de Henri Goardon dont je parlerai plus loin) Je pense également que l’ouvrage cité en référence livre un certain nombre d’éléments qui, s’ils ne sont pas purement capistes, sont néanmoins édifiants, parfaitement  transposables, méritant donc d’être connus. Nous aurons d’ailleurs l’occasion de le vérifier dans d’autres chapîtres .  C’est l’écrivain catholique Georges Bernanos qui a écrit , en 1936, « le journal d’un curé de campagne », dans lequel on peut lire :

  « Je me demande ce que vous avez dans les veines aujourd’hui, vous autres jeunes prêtres ! De mon temps on formait des hommes d’Eglise, oui des hommes d’Eglise, prenez le mot comme vous voudrez, des chefs de paroisses, des maîtres quoi, des hommes de gouvernement. Ça vous tenait un pays ces gens-là, rien qu’en haussant le menton ».

  Qui était Bernanos ? Un croyant, déchiré entre le mysticisme et la révolte, qui a combattu par ses écrits la médiocrité et l’indifférence. C’est lui qui, par ailleurs, a écrit ‘’le dialogue des carmélites’’.

 

°°°°°°

  La génération Chapalain, c’est la génération des ‘’Patros’’. J’ai connu et fréquenté, comme pratiquement tous mes camarades, le ‘’Patro’’ d’AUDIERNE dans mon adolescence (pendant la 2ème guerre mondiale). Je dois dire que je n’y ai pas ressenti de différence entre les enfants de ‘’l’école du Bon Dieu’’, et ceux de ‘’l’école du Diable’’. L’osmose se faisait dans le jeu, l’effort physique, la camaraderie, le chant. Plus tard, malheureusement, quand les enfants seront devenus des hommes, les clivages reprendront leurs droits. Il faut sans doute rechercher l’explication du côté de la politique. J’ai trouvé l’anecdote suivante dans le livre de Yvon Tranvouez (cité en référence) :

  La scène se passe dans le Léon, peu après la dernière guerre, un jour d’élections. Le recteur de TREOURGAT (dans le Bas Léon) monte en chaire, fait son prône, ordonne la reprise du Credo, puis frappe sur le bord de la chaire pour arrêter le chant :

« Annkounac’heat am’oa lavar eun dra dréoc’h. Hirio z’eus votadeg. N’eus nemet unan mad : an MRP »

“ J’avais oublié de vous dire une chose. Il y a un vote aujourd’hui. Il n’y a qu’un bon : le MRP ».

    Apparemment, il s’agit d’un engagement  politique . Il faut par ailleurs aussi savoir que, en 1936, dans le diocèse de QUIMPER, l’évêque, Monseigneur Duparc avait ordonné une neuvaine de prières publiques, avant les élections, ‘’pour qu’elles ne tournent pas au détriment de la religion’’. Cela paraît suffisant pour dire que l’église est, ou tout au moins a été : le camp de la droite, ce qui explique sans aucun doute qu’elle aie perdu  des fidèles n’appréciant pas une telle prise de position.

  En 1954, l’abbé Chapalain organise une cérémonie pour ses noces sacerdotales, en présence de Monseigneur Fauvel. Le chroniqueur local note la présence de André Colin, député et ancien ministre, Yves Jaouen sénateur-maire de BREST, et Auguste Kervern, adjoint spécial de Lambézellec, c’est à dire l’état major  local du MRP, dont Monsieur Chapalain passe pour le conseiller spirituel que l’on consulte volontiers.

°°°°°° 

       Peu d’Audiernais savent que le premier bulletin paroissial d’AUDIERNE  avait pour titre :« Je sers ». Il s’agit en fait, d’une publication rédigée à PARIS, mais comportant une rubrique locale. On peut en voir quelques uns des rares exemplaires rescapés de l’oubli et de la destruction, lors des journées du patrimoine, aux Capucins d’AUDIERNE. Fort heureusement, on trouve encore des archives privées.

°°°°°°

  En Léon l’engrais est catholique, l’argent est catholique, le foot est catholique, comme l’école est catholique. En fait, le village est dirigé par trois autorités : « An tri Aotrou : An Aotrou Doué, An Aotrou Person, An Aotrou Maner » , c’est à dire : le Bon Dieu, Le Recteur, le châtelain.

         §         Le vote catholique n’est pas royaliste, mais clérical. Le Léon politique n’est pas blanc, il est noir.

§         Le ‘’Sillon’’ est un mouvement social d’inspiration chrétienne, fondé en 1894 par Marc Sangnier, et qui, condamné par Pie X, le Pape régnant de 1903 à 1914, disparut en 1910, non sans avoir préparé la voie à la démocratie chrétienne (Le Pape Pie X, peu favorable à la démocratie, fut canonisé en 1954 par Pie XII, pape qui par ailleurs observa un silence officiel face aux atrocités nazies).

§         Le Léon n’a produit aucun politicien d’envergure, sauf André Colin, mais il a fait Alexis Gourvennec et Edouard Leclerc.

Et le CAP ??? Combien d’hommes politiques d’envergure ???

§         Je cite textuellement un extrait de la page 53 du livre cité en référence :

  « Quelqu’un a été désigné pour porter la croix ou la bannière lors d’une procession, et n’est pas venu sans donner une explication valable. Dorénavant, ni lui, ni personne de sa famille, ne sera plus invité à porter les enseignes, comme on dit, alors que c’était quand même un honneur. Deuxièmement, s’il y a un enterrement dans sa famille, on n’ira pas faire la levée du corps à la maison. Troisièmement : si sa fille veut se marier, elle sera mariée à 8 heures du matin. Un autre exemple : Madame X..qui vendait des engrais, n’en vend pratiquement plus à la suite de la fondation du syndicat et du magasin coopératif suscités par le recteur. Pour compenser, elle construit une salle de danse-occasion de péché aux yeux du clergé de l’époque- où elle sert aussi les repas de mariage. Quand les jeunes viennent se présenter au recteur pour inscrire leur mariage, on leur demande où se fera le repas. S’ils disent chez Madame X.., bon , alors mariage à 8 heures du matin.

 ( la scène se situe à HENVIC ; le recteur est Eucher Corre. Le témoin de la scène est digne de foi, puisqu’il s’agit de Monseigneur André Pailler : témoignage du 23 mai 1985).

  J’aurai l’occasion de citer plus loin un exemple comparable, concernant la paroisse de PRIMELIN

§         Vous avez dit charité chrétienne !! N’ est-ce pas plutôt cléricalisme, sectarisme, intolérance pour ne pas dire imbécillité.

  Je lis encore :

  « Dans les collèges catholiques, on dirigeait les meilleurs sujets vers le grand séminaire, à défaut l’école navale : le sacerdoce ou la royale…

    Installé dans son confessionnal, le prêtre accorde ou refuse l’absolution, ouvre les portes du ciel ou celles de l’enfer… »

  On croit rêver. Nous sommes au XXème siècle, à la génération de nos parents, quand nous étions enfants . Faut-il prendre acte de cette alliance entre le sabre et le goupillon ? Pour ma part, je ne le crois pas . Mais, ce n’est pas fini :

  « La Bretagne catholique, rien ne la fait aimer , comme ce démenti tranquille qu’elle oppose à l’individualisme, au protestantisme dont nous sommes pourris ( Père Paul Doncoeur- 1929- Chapalain pages 65 et 113).

  Ajoutons encore :

-         qu’il faut fuir les salles de danse et les réunions mondaines qui sont des lieux de perdition.

-         que la présence à la messe  des enfants de l’école publique est vérifiée par des cartes qui, déposées dans le plat de la quête, sont récupérées par le sacristain, dûment tamponnées, et restituées au propriétaire à la sacristie, après l’office. ( Vécu à AUDIERNE).

-         que l’école libre est le vecteur de la transmission de la religion

-         que les états-majors paroissiaux sont issus des classes moyennes : commerçants ou employés, organisés comme un réseau d’embauche, etc…

  Il est temps de conclure ce chapitre. L’énoncé ci-dessus apporte suffisamment d’éléments pour expliquer et comprendre la situation d’aujourd’hui : églises vides, abandon des sacrements, manque d’attrait pour les jeunes générations etc… Le clergé régnant de la génération de nos parents, a voulu imposer un catholicisme de ligne Maginot, dirigeant tout : les hommes, les consciences, et même la politique, en usant de méthodes arbitraires et injustes. Ce sont les membres du clergé de cette époque qui ont créé le sectarisme. A vouloir tout régenter, ils sont aujourd’hui marginalisés. La responsabilité de la situation d’aujourd’hui leur incombe en totalité. Il ne faut pas, il ne faudrait pas mélanger religion et politique, comme cela s’est fait entre l’église et le MRP. A propos, qu’est devenu le MRP ? « Mouvement Républicain Populaire », il est devenu CDS « Centre des Démocrates Sociaux », (dans lequel on peut citer quelques noms ; Guellec, Cozan, Arzel etc..), composante d’un grand parti de droite depuis les dernières élections présidentielles (2002). Quant à André Colin, aujourd’hui disparu, il a passé le flambeau à sa fille Anne Marie Idrac, hier député de la majorité présidentielle, actuellement PDG de la société des transports parisiens : la RATP.

  On peut accuser la franc-maçonnerie, la ligue des droits de l’homme, la laïcité, le radicalisme, le socialisme, le communisme, les protestants, la télévision, le bal, j’en passe, la décomposition de la religion est inscrite dans le vent de l’histoire, et elle est sans appel parce que le sectarisme n’est pas mort. Il s’affiche encore tous les jours dans certaines municipalités. Les administrés le savent bien. Comme si les trottoirs et les caniveaux pouvaient être de gauche ou de droite, sauf à confondre le sens de circulation dans la rue  et l’administration objective des structures communales, dans l’intérêt général des administrés. Certes, l’époque du réseau est finie : plus personne n’est obligé d’aller chez le coiffeur qui va à la messe,chez le pharmacien qui a ses enfants à l’école libre, chez le boucher bien-pensant etc…Terminé ! Sauf pour quelques irréductibles d’arrière-garde et autres imbéciles qui pratiquent le ‘’copinage’’ et qui , avant de traiter un problème, s’inquiètent de savoir de quel bord est le demandeur. On n’est plus embauché non plus dans une entreprise parce que l’on va à la messe ou inversement. Encore que d’autres critères pas plus moraux règnent sur le monde du travail. Fini le conformisme villageois : « je vais à la messe pour ne pas être mal vu par les patrons, par les voisins, par la famille, par les bourgeois etc.. »

 Je dois dire encore que le chanoine Chapalain qui m’a inspiré le présent chapitre, est resté à la tête de sa paroisse pendant près de un quart de siècle ( l’équivalent d’une carrière militaire, sauf que les militaires bougent, enfin certains…, du moins théoriquement). De nombreux chrétiens sont devenus progressistes, se rapprochant par là-même des protestants. Il ne faut sans doute pas chercher trop loin l’explication de ce comportement . Enfin, recevant un jeune vicaire en 1953, l’abbé Chapalain lui tint les propos suivants :

-         Ne fais pas d’action catholique, c’est de la connerie

-         N’explique pas la messe, il n’y a pas besoin de la comprendre

-         Va au confessionnal c’est là que tu connaîtras les gens

 

  Chacun fera son profit de ces propos. Ils sont suffisamment explicites !!!

******  

  4- Dieu change en Bretagne, (par Yves Lambert)-

  Edité en 1985, un autre ouvrage fait référence en Bretagne : « Dieu change en Bretagne » par Yves Lambert. L’auteur n’a pas étudié le Cap-Sizun. Soit ! Mais comme pour l’ouvrage  précédent , de nombreuses remarques et constats sont parfaitement transposables . En effet, si Dieu change en Bretagne, il change aussi obligatoirement en Cap-Sizun ,composante intégrale de ce beau pays .

 

 

A suivre Ma Bro Ar C'Hap Gwechall suite 14

 

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3 novembre 2013 7 03 /11 /novembre /2013 21:24

Ma Bro Ar C'Hap Gwechall suite 14

4- Dieu change en Bretagne, (par Yves Lambert)-

Edité en 1985, un autre ouvrage fait référence en Bretagne : « Dieu change en Bretagne » par Yves Lambert. L’auteur n’a pas étudié le Cap-Sizun. Soit ! Mais comme pour l’ouvrage précédent , de nombreuses remarques et constats sont parfaitement transposables . En effet, si Dieu change en Bretagne, il change aussi obligatoirement en Cap-Sizun ,composante intégrale de ce beau pays .
Ce livre a analysé la situation d’une paroisse Morbihannaise : LIMERZEL. Le grincheux a raison : cette localité n’est pas capiste. Tant pis !! Je ne retiendrai donc que les lignes les plus frappantes de cet ouvrage, à savoir que : 

- En cas de non-paiement du denier du culte, la liste des contrevenants sera lue en chaire, et ils se verront refuser les cloches pour leurs cérémonies. 

 - On peut gagner des indulgences dans certaines conditions ( Pour abréger un éventuel séjour au Purgatoire. Tarif pour un gain de 300 jours : 6 Pater, 6 Ave, 6 gloria) ; 
- On chante dans les églises : « Parle, Commande , Règne », mais aussi :
Nous voulons Dieu dans les écoles
Pour qu’on enseigne à tous nos fils
Sa loi divine et ses paroles
Sous le regard du crucifix
Enfant de l’école publique, j’ai dû chanter ce cantique dans les offices religieux de la paroisse d’AUDIERNE, dans les retraites de première communion etc.. Un comble !! 
- L’image polychrome de Notre Dame du Perpétuel Secours affiche le texte suivant : « toujours par mes paroles, ma conduite et mes votes, je défendrai la religion » 
- La généralisation de l’école publique pose un problème : « qui tiendra l’école, tiendra les consciences » 
- Dans l’un des manoirs, tout le personnel monte dire la prière dans la chambre de ‘’Monsieur’’ 
- Autrefois, on ne dirigeait vers les études secondaires, que les futurs prêtres ( Le Bac pour les chatelains, les industriels, les instituteurs) 
- Le coût des études est élevé en collège privé 
- Les maîtres laïques combattent l’obscurantisme clérical 
- Aux processions les communiants et confirmants sont classés selon les résultats au catéchisme 
- Les sanctions des enfants à l’église sont les mêmes qu’en classe, avec en plus , la crainte d’être mis à genoux au milieu de la nef, devant tout le monde. ‘’Ar Vez’’ , la honte, sur toute la famille. A l’église d’AUDIERNE, je n’ai vu appliquer cette sanction qu’aux élèves de l’école du diable, car ceux de l’école du Bon Dieu étaient encadrés par leurs enseignants, donc enfants modèles, sages par définition ; 
- Le sacré est toujours supérieur au profane (statut du prêtre , soutane, instruction, prestige) 
- On encense les soldats qui meurent pour la Patrie 
- Les trois personnages clés de la socialisation religieuse sont : le prêtre, l’éducateur et la mère 
- La vocation est un honneur suprême pour la famille 
- Il n’y a pas d’ordre sans morale, et pas de morale sans religion (le clergé est une seconde police) 
- Les hérétiques , comme les Albigeois, ne valent pas mieux que les infidèles (d’où l’inquisition ! Quant à l’avenir de l’œcuménisme, il faudra voir !) 
- A la bataille de TOLBIAC, Clovis décida de se convertir en cas de victoire, ce qui fit de la France la première nation convertie dénommée : « Fille aînée de l ‘église » 
- Le temporel est subordonné au spirituel (principe Augustinien) 
- Le siècle des lumières avec Voltaire et Rousseau est funeste à la religion 
- L’histoire sainte précise que les juifs sont devenus et resteront jusqu’à la fin du monde un peuple maudit ( Voilà qui n’est pas de très bon augure pour la paix dans le monde) 
- Les filles-mères déshonorent la famille : l’enfant n’a pas droit aux cloches à son baptême ? Si la mère se marie, c’est en deuxième classe, après avoir confessé la faute et révélé l’identité du partenaire qui doit l’avouer également pour s’épargner l’enfer 
- Les femmes qui se présentent à la Sainte Table bras nus, se voient refuser la communion (id° pour les bas nylon assimilés au nu) 
- Les craintes cléricales ont repris pendant la guerre d’Algérie 
- Les défenseurs de la religion populaire imputent la baisse de la pratique aux bouleversements liturgiques et à une spiritualité trop cérébrale 
- Le clergé socio-culturel a regardé les cérémonies traditionnelles comme du folklore 
- Certains pratiquants ont trouvé refuge chez Monseigneur Lefebvre. 
- Il s’agit d’une querelle des Anciens et des Modernes 
- Il n’y a plus de Sainte Table, plus de chaire, plus de style doctoral 
- Les enfants de Chœur correspondaient aux pages de la monarchie 
- Sur le plan national, le sacrement de la pénitence est celui qui a connu la plus grande désaffection, et que par ailleurs, le clergé ne fait pas de zèle pour les confessions individuelles 
- Le clergé est désacralisé ; il a perdu son statut social (religieuses id°) 
- Les vocations connaissent une chute spectaculaire (on peut lire à ce sujet, l’article écrit par Monseigneur Marcus archevêque de TOULOUSE, dans le quotidien ‘’Le Monde’’ du 9/11/2001), parce que la plupart des vocations étaient le résultat d’un lourd conditionnement 
- Les congrégations religieuses féminines vont mourir également 
- Beaucoup de prêtres ont défroqué, se sont mariés, parfois avec une religieuse, et les prêtres ont fait beaucoup de tort à la religion 
- Les prêtre prêchent ce qu’il faut faire, et ils n’en font rien 
- Les paroissiens sont favorables au mariage des prêtres 
- Il n’y a pas de crise de recrutement dans les églises protestantes 
- On assiste à un effondrement du catholicisme post-tridentin, remplacé par une nouvelle forme de catholicisme, de pratique minoritaire 
- Le baptême n’est plus urgent, l’ondoiement est abandonné, et on ne pense plus aux limbes 
- Les évènements religieux ont un côté commercial (cadeaux de première communion) 
- Le régime des contrats, (lois Debré), la suppression des diplômes catholiques ont fait qu’il n’y a plus de différence entre école libre et école publique 
- On est passé de la religion ‘’par cœur’’, à la religion ‘’par le cœur’’ 
- Les jeunes sont à la croisées des chemins (rejet de la morale traditionnelle), et pensent que parfois que la religion est un commerce 
- Les protestants ne valaient rien à en croire les prêtres de notre jeunesse (alors, quand on en épouse une.. !!)
- Les jeunes trouvent souhaitables les relations prénuptiales 
- Le prêtre a désormais une image désacralisée, sécularisée
-Il y avait beaucoup d’hypocrisie 
- On reproche à l’église : l’inquisition, le colonialisme, les nobles, les préséances, les classes d’offices, la défense des privilèges 
- La religion n’est plus ressentie comme étant indispensable à la réussite matérielle 
- Le clergé finit par fermer les yeux sur les nouvelles mœurs des jeunes 
- L’église se prétend neutre dans le domaine social, alors que les pratiquants sont plutôt à droite 
- Le bilan global est de l’indifférence, et une distance assez grande par rapport à l’église 
- La vie conjugale est désormais plus indépendante des normes religieuses 
- Autrefois il y avait beaucoup d’enfants parce que, à 13 ans, le gosse gagnait sa croûte 
- La morale religieuse est une expression systématisée de la morale commune 
- L’autoritarisme était la règle d’hier (j’ai connu une forme d’autoritarisme dans l’armée ; elle est la marque des faibles peu sûrs d’eux car l’autorité est naturelle) 
- L’église n’est plus le lieu du chacun à sa place : les rangs, les classe et les honneurs d’autrefois ont disparu 
- On a pu assister à l’enterrement d’un industriel (durée : 1 heure et quart ) à comparer avec l’enterrement d’une veuve (durée : une demi-heure) 
- Un ancien vicaire d’AUDIERNE est devenu Monseigneur Boussard, évêque de VANNES, en 1964 
- Autrefois, le catholicisme comportait beaucoup d’hypocrisie et de superstition : les curés voulaient tout régenter. 
- L’église avait une idéologie cléricale dominante, et utilisait les forces sociales permettant de détenir ou se concilier le pouvoir politique. Aujourd’hui, c’est l’inverse 
- La fréquentation de l’école catholique repose encore sur la tradition 
- Les démocrates chrétiens sont des ‘’rouges déguisés’’ 
- Le mouvement ‘’Le Sillon’’était l’aile gauche du MRP ou des socialistes d’aujourd’hui 
- La croix était le symbole de la résignation passive (religion opium) 
- Aujourd’hui, l’église est sur une voie de garage 
- L’acceptation et le renoncement étaient les vertus des ‘’dominés’’, exploités par les ‘’dominants’’ 
- Le diable est relégué aux oubliettes 
- La confession est en déclin, les relevailles sont supprimées, le baptême n’a plus lieu dans les premiers jours de la naissance 
- La résurrection de la chair se récite, parce que c’est un article du Credo 
- Le culte des morts est le lien le plus durable et le plus sensible entre l’église et le village (solennisation du passage) 
- Le jeûne et l’abstinence ont été réduits, puis supprimés 
- Autrefois les gens demandaient à Dieu ce qu’ils obtiennent maintenant par l’argent. Néanmoins des non-pratiquants assistent encore à des messes ‘’robinet’’ pour la pluie contre la sécheresse ou les intempéries, et récitent le cas échéant des prières ‘’commerce’’ ou des prières ‘’aspirine’’. (Voilà qui ressemble fort à la superstition) 
- Les croyances aux dons, aux signes,aux guérisseurs se perpétuent (les medium, les mages et autres diseuses de bonne aventure sont toujours d’actualité) 
- Les prophéties apocalyptiques alimentent la crédibilité (et aussi la crédulité). Exemple : Nostradamus
-On constate l’effondrement de la crédibilité des explications religieuses dans certains domaines ; l’école catholique est largement déconfessionnalisée 
- Le rôle de la religion a changé dans le domaine matériel :
Tout ce qui n’était pas maîtrisé était surnaturel
Elle n’a plus à s’immiscer dans les affaires matérielles et économiques
Elle n’est plus indispensable à la réussite matérielle, même si elle a des liens privilégiés avec la droite 
- L’ église entretenait autrefois la haine de l’école publique, des protestants, des juifs etc..
-Elle préférait l’alcoolisme au bal, se comportant parfois en seconde police 
- Elle légitimait l’aristocrate et les classes sociales aisées. Jusqu’à une période récente, elle a joué dans l’ouest, un rôle fondamental dans la vie politique (95% de votes pour la droite catholique ). On peut se demander ce qu’il en est aujourd’hui !! 
- La démocratisation religieuse est achevée (suppression des classes, des rangs de communion etc..) 
- Les chrétiens de gauche ont été influents car, à l’origine, la monarchie était conforme au christianisme 
- On assiste à une montée de l’indifférence 
- L’éthique protestante est admirée 
- Certains considèrent communisme et fascisme comme des religions politiques 
- Les normes religieuses s’étaient ajustées au contexte rural 
- Le clergé a rompu avec sa fraction la plus conservatrice 
- Le clergé a pour lui : une formation supérieure, une bonne connaissance de la tradition, et une église fortement hiérarchisée, armée de rites, de dogmes, encycliques et théologies 

 C’est toujours le clergé qui dirige la musique 
 - Les recteurs sont aujourd’hui résignés devant cette mutation du catholicisme, condition nécessaire d’adaptation de la religion à la modernité
Conclusion de cette énumération :
Une génération d’incrédules est aux commandes
La page du catholicisme post-tridentin est tournée
La jeunesse actuelle et future est un grande inconnue

°°°°°°

Je vais maintenant donner raison au ‘’grincheux ‘’de service. Tout cela est hors sujet pour ce qui concerne le Cap-Sizun. Certes, Limerzel, paroisse du Morbihan, qui a servi de cobaye pour cette étude, ne fait même pas partie de la Cornouaille. Mais , qui n’a pas eu envie de dire, à la lecture de ce qui précède : « mais ici c’était pareil, ou presque ». Alors !! Qui n’a pas connu les classes d’office, le chapeau des femmes, indispensable pour entrer dans l’église, le rôle du clergé régnant par l’intermédiaire des ‘’Paotred ar C’hatriem’’ qu’il a très justement formé pour mieux les avoir sous sa coupe et qui sont loin d ’avoir tous disparus, l’ostracisme et le mépris pour les filles-mères souvent engrossées par le fils de la maison quand ce n’était pas l’employeur lui-même, les foudres de la chaire à propos des salles de danse, l’exploitation de la superstition et tant d’autres chose !! Certes ‘’grincheux’’, tu as raison, mais en partie seulement, parce que je n’ai pas complètement tort. Alors, si tu le veux bien soyons tolérants pour montrer l’exemple, à moins que tu ne veuilles que je te renvoie , une fois de plus, à la citation de Boileau !! C’est pourquoi, nous allons consulter un autre ouvrage car tu le sais, je me suis engagé à ne rien écrire sans en avoir la preuve, même si toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire. Quelle meilleure preuve peut-on trouver que ce qui a été constaté et publié ??

A suivre Ma Bro Ar C'Hap Gwechall suite 15

 

 

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3 novembre 2013 7 03 /11 /novembre /2013 21:23

 

Ma Bro Ar C'Hap Gwechall suite 15

5- les Bretons et Dieu (Buhez-Ouest France)
On ne peut pas comprendre la Bretagne d'aujourd?hui sans avoir une bonne connaissance du phénomène religieux. Cette phrase est la présentation du livre de référence sur la quatrième page de couverture comme on dit dans le jargon de l?édition. Je vais donc feuilleter ce livre, publié en 1985 par les éditions Ouest-France : « Les Bretons et Dieu », pour en dégager les traits essentiels et transposables, le cas échéant au Cap-Sizun. J'entend bien laisser à chacun la responsabilité de ce qu?il avance ; c'est pourquoi je précise, une fois encore que tout ceci a déjà été, en grande partie, écrit et publié dans un ouvrage. Mon rôle se limite à informer de ce qui a déjà été constaté par d'autres, sans m'attribuer la paternité des affirmations.C'est pourquoi, je récuse aussi le terme de plagiat. A chacun de prendre ce qui lui convient et de laisser le reste
Comprendre la Bretagne d'aujourd'hui, hors du phénomène religieux, ne relèverait même pas du tour de force : impossible de savoir autrement par exemple la querelle scolaire, l'héritage où la religion joue un rôle essentiel, l'anticléricalisme, la vie politique, la vie syndicale, la lutte à couteaux tirés entre prêtres et "hussards de la république".. « Le religieux n'est pas tout, mais il est plus qu'ailleurs », parfois teinté de paganisme, comme ces femmes du CROISIC allant sur les rochers du bord de mer tenter de deviner, sans doute au vol des oiseaux, les chances de retour de leurs maris. Il convient donc de poser la question, redoutablement simple : celle des rapports des Bretons avec Dieu , dans un contexte paroissial, puisque la structure clé est la paroisse, gérée par son conseil de paroisse : la fabrique. On peut même parler de « patriotisme paroissial » puisque les paroisses s'affrontent dans « une sorte d?émulation visible à la hauteur des clochers ou à la plus belle bannière (drapeau paroissial), dans un contexte de super- encadrement clérical ». ( 1 prêtre pour 150 habitants en pays nantais, 1 prêtre pour 100 habitants dans certaines paroisses du Léon) . Il ne faut alors pas s'étonner que tous ces Saints spécialisés, parfois intermédiaires, soient sollicités à tout moment. Il m'a paru intéressant d?essayer de faire un récapitulatif de quelques saints connus, liste non exhaustive bien-sûr. Je commencerai donc par les Saints mis à contribution par les armées.
Saints invoqués pour la protection des militaires

Appellation Arme considérée Date de la fête

Sainte Geneviève Gendarmerie 3 janvier
Saint Georges Cavalerie-Arme blindée 23 avril
St Joseph de Copertimo Aviation 18 juin
Saint Christophe Train 25 juillet
Saint Maurice Chasseurs alpins 22 septembre
Saint Mathurin Marine 9 novembre
Saint Martin Infanterie 1er novembre
Sainte Barbe Génie-artillerie 4 décembre

L'invocation des saints réputés pour un certain pouvoir n'est donc pas un phénomène exclusivement breton. Certains ont un rayonnement national ou mondial, d'autres sont plus spécifiquement Capistes. Mais je ne résiste pas au plaisir de dire que, au cours d?une période de 25 ans dans l'infanterie, je n?ai jamais vu honorer Saint Martin. Certains humoristes disaient même que le saint patron du "pousse caillou" se nommait "Saint-Turon ", allusion quelque peu irrévérencieuse aux équipements entrant dans la dotation du fantassin de base.

Saints connus hors Bretagne

Appellation Pouvoir attribué au saint
Saint Christophe Voyage en voiture-invoqué pour la peste
Sainte Barbe foudre et mort subite+ maçons, couvreurs etc..
Saint Yves Patron des avocats- (bon pour tout)
Saint Etienne Cuir chevelu
Saint Clair yeux
Saint Marc Chasse les mouches
Saint Michel orages
Saint Antoine l?Abbé (Italie) animaux

Saints Capistes et voisins immédiats

Appellation Pouvoir attribué au saint
Saint Tugen Chiens enragés-mal de dents
Saint Théodore Fièvres malignes
Saint Chrysanthe Rhumatismes
Sainte Brigitte Nourrices en panne de lait
Saint Tugdual Yeux, oreilles, eczéma

On pourrait signaler aussi le pouvoir attribué à des fontaines, des statues ou à des moyens particuliers ; l?exemple le plus proche est sans doute la fontaine de PONT-CROIX consacrée à Notre Dame de Roscudon, réputée pour la protection des épidémies ; de même la roue à carillons de CONFORT ou la cloche de GOULIEN sont mises à contribution pour les enfants présentant un retard de langage ou des troubles auditifs. Saint Jean Discalléat ("Santik Du" à Quimper) est invoqué pour retrouver les objets perdus. N'oublions pas non plus le renouvellement des baux à la Saint Michel ou l?engagement des domestiques à la Saint Jean.
Il apparaît donc que les saints sont très présents partout, et pas seulement dans le Cap où on peut noter cependant des dévotions et comportements particuliers (ex-voto) .
On pourrait encore citer Saint Roch et Saint Sébastien invoqués pour la peste, les Saints guérisseurs du bétail, Notre Dame du crée-lait qui concurrence Sainte Brigitte à NANTES etc..Sans compter que, lorsque certains n'ont pas donné satisfaction, ils peuvent se voir infliger une punition, par exemple être mis "au piquet", statue retournée face au mur, quand il ne sont battus ou noyés. Paganisme sans doute !! Médailles, images pieuses, breloques, ne pas se couper les ongles le vendredi, conjurer des images de cire, invoquer un clou au nom de Dieu pour soigner le mal de dents, appliquer un grain béni sur un membre pour le soigner, clés de Saint Tugen contre les chiens enragés etc.. Ce n'est sans doute pas pire que l'eau de LOURDES commercialisée en bouteilles remplies au robinet du réseau de distribution. Mais j'en reparlerai , à propos des chapelles en Cap-Sizun. Et la croix sur le pain avant de le couper ! Depuis quand ?? Il faut remonter loin sans doute !!

Remarques essentielles relevées dans l?ouvrage cité en référence

- La religion des bretons dépasse donc de beaucoup la vision classique et aujourd'hui périmée de la dévotion. La Bretagne est restée jusqu'au XXème siècle un terrain privilégié grâce à la densité du clergé chargé de diriger la foi, de purifier les moeurs en interdisant en particulier la danse, prélude à toutes les turpitudes. Le XIXème siècle a été l'apogée de l'encadrement clérical qui nous a laissé des presbytères monumentaux construits dans les années 1840-1860. La coincidence est parfaite entre la vie sociale et la vie religieuse. Quant à la discipline sexuelle , le faible taux de naissances illégitimes est la preuve de sa rigueur. On peut noter aussi une hypertrophie du culte marial (images pieuses dans les maisons).
- Mais, tout cela a évolué : la guerre de 14/18, le développement des communications, l'automobile, la télévision, et plus récemment internet. La politique n?est pas non plus étrangère à cette évolution : nous avons déjà parlé du MRP, du mouvement "le Sillon", de la JAC etc..La Bretagne a fourni aussi des hommes de gauche très connus : Marcel Cachin, Rol Tanguy (Colonel FTP), Georges Le Bail et bien d?autres. Les données de l'anticléricalisme sont en place : calotins /anti calotins. Quel drame de penser que religion et politique sont intimement mêlés : le spirituel et le temporel associés pour diriger, gouverner, régenter. Georges Bernanos avait raison : "des hommes de gouvernement" qui sont 3378 prêtres de paroisses en 1954, contre 2468 en 1975 . La fréquentation de l'enseignement catholique diminue aussi : 49 % de l'enseignement primaire en 1971-1972, 44 % en 1978-1979. La Bretagne n'échappe pas à la tendance générale en France.
- N'oublions pas que l'alcoolisme des prêtres était réel au XVII ème siècle, que l'église a encouragé la pratique des indulgences dont j'ai déjà parlé, que l'ex-voto est toujours d'actualité (maillot du coureur cycliste Bernard Hinault à Sainte Anne d'Auray) , et qu'il y avait un langage des cloches : gros glas, moyen glas, petit glas. La marque chrétienne est partout : médaille protectrice, motte de beurre, porte de lit-clos sur lesquelles on peut voir parfois : « HOMO MEMENTO MORI », Homme , souviens toi que tu dois mourir.
- Et les fidèles enterrés dans l'église après éviscération s'ils sont de haut rang, les autres n'ayant droit qu'au cimetière !!
- Faut-il parler du commerce des chapelets, rosaires, images en tous genres dans les grands pélerinages et encore une fois des bouteilles d'eau des pélerins ? Industrie, commerce, tout est bon pour gagner de l'argent. Le baptême quant à lui joue un rôle social : devoirs et obligations des parrains et marraines, tutelle de l'enfant s'il devient orphelin. Les couleurs liturgiques rythment le temps de l?année. Pour l'église, le noir et le violet sont couleurs de pénitence. On peut recommander des messes pour les obsèques : octave, messe quotidienne pendant 8 jours, trentaine , messe pendant 30 jours, voire à l?annuel .
- Dans bien des circonstances, l'écharpe de maire s'ajoute, quand elle ne la remplace pas, à l'étole du recteur. Notons au passage q'?il y a des zones de "tradition bleue", longtemps chrétienne, avant de devenir laïques ( radicaux, radicaux-socialistes, socialistes, anti cléricaux) et des zones de tradition blanche (royaliste,catholique, cléricale) .
- Emile Combes était un ancien séminariste, hostile aux congrégations religieuses. Dès la fin de l'empire et la restauration, collèges et petits séminaires regorgent de candidats au sacerdoce, indubitable instrument de promotion, non seulement spirituelle, mais culturelle et sociale. Il n'est pas rare de rencontrer dans les paroisses d'un millier d?habitants, un recteur et 2 vicaires, alors que le Limousin en compte plutôt un prêtre pour plusieurs paroisses. (en 1890, à CROZON qui compte plus de 8.500 habitants, on trouve un curé doyen, 5 vicaires et un prêtre habitué). Au XIX ème siècle, le congrégations féminines auront réuni 200.000 femmes.
- Pour honorer Dieu dignement, et impressionner par là même les fidèles, on déployait beaucoup de richesse, se démarquant ainsi de l?austérité protestante (Fête Dieu).
- C'est dans les années 1930 que la dévotion reflue ;
- Pour la 2 ème communion, le costume de la première est souvent devenu trop étroit !!!
- L'encyclique "Au milieu des Sollicitudes" du Pape Léon XIII date du 16 février 1892. elle incite les catholiques français à accepter la constitution républicaine.
- L' Ouest Eclair est fondé à RENNES en 1899 par l'Abbé Trochu qui fait preuve d?une volonté farouche de combattre l'injustice sociale.
- En 1946, le MRP André Colin et P .H. Teitgen sont défavorables au projet de constitution.
- Les écoles privées étaient , à l'origine , à la charge des paroisses, tel châtelain fournissant un terrain, les paroissiens les matériaux et le charroi, tandis que les frères se contentaient de peu pour vivre. Les familles étaient hostiles à la gratuité .
-La période de VICHY, avec l'arrivée au pouvoir d'homme très proches des thèses catholiques traditionnelles, autorisa la première l'octroi de subventions publiques aux écoles privées. Nous avons vu que les frères reprirent en 1941 possession de leur maison de PLOERMEL, récupérée par un prête-nom au début du siècle .
-L'essor rural était le bulletin de la jeunesse agricole catholique (JAC) du Finistère. Pendant la guerre d?Algérie, il consacra 22,5 % de sa publication aux appelés et rappelés (1956).
- L?Abbé Perrot écrivait dans la revue "Feiz Ha Breiz" (foi et Bretagne). Cette revue a commencé à paraître en 1904, précédant de un an la création du mouvement "Bleun-Brug" (fleur de bruyère). L'abbé J.M Perrot ne prit la responsabilité de "Feiz Ha Breiz" que en 1911, et en resta le directeur jusqu'à sa mort en 1943. Le Feiz Ha Breiz et le Bleun Brug naissent sous le ministère d'Emile Combes. Aussi, la revendication du plein exercice des droits (de la Bretagne) en matière d'enseignement est en bonne place aux côtés de la défense de la langue bretonne regardée comme un des plus efficaces remparts de la foi et de la tradition. Maintenir la langue bretonne, c?est participer à la lutte qui tend à "la destruction des lois laïques et révolutionnaires".
- Après la première guerre mondiale, la revendication autonomiste portée par "Breiz Atao" (Bretagne toujours), pose problème au Bleun-Brug et à son animateur l'Abbé Perrot. Après avoir introduit en 1925 dans les statuts de Bleun-Brug, l'action pour obtenir un régime d'autonomie, les autorités épiscopales mettent le holà. L'Abbé Perrot devra s'incliner, mais il restera personnellement très proche du mouvement autonomiste. Il sera assassiné le 12-12-1943 par les maquis FTP. Sous le nom de "Bezen Perrot", 72 hommes en uniforme allemand sont engagés contre les maquis en Ille et Vilaine, Morbihan et Côtes d?Armor. Ils se replient ensuite sur STRASBOURG et l' Allemagne.

°°°°°°
- La tradition catholique était méfiante à l'égard des usages du corps, partie animale de l?homme et comme telle suspecte (sexualité-danse). Seule ou presque, comptait l'âme, unique à sauver.
- Les libre-penseurs ne se fient qu'à la raison.
- Le "peuple noir" désigne les Bretons soumis à tutelle cléricale (dans le langage anticlérical le terme : corbeau, désigne le prêtre.
- Georges Le Bail était le petit-fils d'un notaire venu s'installer en 1833 à PLOZEVET. En 1902, il a 3 objectifs de lutte : le cléricalisme, le collectivisme, le nationalisme.
- Ernest Renan a écrit un ouvrage qui s?intitule : « La vie de Jésus » dans lequel on peut lire des phrases célèbres :
- Les religions croûlent tour à tour parce qu'aucune force jusqu'ici n'a réussi à étouffer la raison
- Le dernier des simples, pourvu qu'il pratique le culte du coeur, est plus éclairé sur la réalité des choses que le matérialiste qui croit tout expliquer par le hasard et le fini

- Yves Lefebvre quant à lui a écrit un ouvrage à scandale : « La terre des prêtres » qui a défrayé la chronique, en racontant l'histoire d'une fille de bonne famille engrossée par un vicaire. Son frère, également prêtre, choisit de traiter cette affaire dans le silence, ce qui devient un drame. Réédité récemment, ce livre est à nouveau épuisé, malheureusement. Je n'en dirai donc pas plus.
- Dans une Bretagne coupée en deux blocs : la société républicaine laïque et la contre-société cléricale, le dédoublement du fait associatif devient quasi systématique.( Association des jardiniers de gauche pour contrer celle du jardinage de droite)
-La dévotion au Saint-Sacrement est le sommet de la piété tridentine ;
- L'héritage catholique se prolonge sous des formes plus indirectes, par exemple l'implantation de la CFDT et CFTC.
- Le catéchisme a été renouvelé de fond en comble en devenant la cathéchèse, et la communion solennelle reste une fête importante avec sa cérémonie, son repas de famille au restaurant, ses cadeaux qui montent l'adolescence comme le mariage monte le ménage.
- On ne construit plus d'édifices religieux sauf dans les nouveaux quartiers des grandes villes
- Le catéchisme par coeur est taxé de bourrage de crâne
- Longtemps on a assisté au rigorisme moral de l?église

         6-Le témoignage de Henri Goardon : Ar C?hap Gwechall

Après toutes ces remarques générales, il est peut-être temps de se rapprocher du Cap-Sizun. Par quel moyen ? En ouvrant le livre de Henri Goardon « Ar C?hap Gwechall », et en lisant le paragraphe intitulé "L?église et le péché". Qu'y trouve-t?on ??
- Mon grand-père, ma mère me disaient : "plus on souffre, plus on a de mérite" 
-  Il évoque aussi la cérémonie des relevailles, et la purification : quand une femme avait un enfant, elle allait à l'église et frappait à la porte. Le prêtre , suivi d?un enfant de choeur portant un cierge allumé, l'accueillait en récitant des prières. Après seulement, la femme avait le droit de rentrer à l'église. 
-  Il était impensable qu'une jeune fille, avant la guerre de 14/18, se déshabille sur une plage, même déserte. Elle aurait été excommuniée. Si une jeune fille avouait au prêtre, en confession, qu'elle avait été au bal le dimanche, elle ne recevait pas l'absolution . Je peux dire que nous avons tous été trompés et avons souffert avec toutes ces histoires de péché mortel 
-  Mais, le comble !! Dans presque toutes les fermes du Cap-Sizun, avant la guerre de 14/18, on récitait des prières le soir, avant d'aller se coucher. Et chez ceux qui étaient de la lignée des seigneurs, on priait :
Lavarom hoaz eur beden
Evit ar re binvidig da binvidikaad
Hag ar re baoul da chom en o stad

Disons encore une prière
Pour que les riches s?enrichissent
Et que les pauvres restent dans leur état


Voilà qui nous ramène aux lignes précédentes quand, dans certains châteaux ou manoirs, le personnel montait le soir dans la chambre de Monsieur pour réciter la prière. Cette fois nous sommes encore en Bretagne, mais à CLEDEN-CAP-SIZUN, dans le "C?HAP DON". J?imagine que aujourd'hui, contraints de réciter cette prière, de nombreux capistes iraient immédiatement s'inscrire à un parti révolutionnaire. Il ne faut pas tourner le dos à notre histoire , même pas à ses excès. Je n'ai pas connu cet épisode, mais j'en ai connu d'autres comme, je l'ai déjà dit : faire chanter Dieu dans les écoles aux élèves du système public. Oui, la religion s'est suicidée par ses mauvais exemples et ses mauvais serviteurs pour lesquels on peut dire quand même , avec beaucoup de réserve, que peut-être ils croyaient bien faire !
Poursuivons la lecture de Henri Goardon qui nous dit : 
- Sans compter que , lorsqu' une jeune fille "blanche" descendant de la bourgeoisie ou des prêtres réfractaires épousait un "rouge" républicain, on appelait leurs enfants des "jaunes".
  - Le nouveau-né était baptisé le premier ou le 2 ème jour après sa naissance, quel que soit le temps et la distance de son domicile à l'église, parfois de 4 à 5 kilomètres. C'est mon cas, distance en moins cependant. Né le 25 juillet, j'ai été baptisé le lendemain, le 26. 
-  Il évoque aussi le cas des domestiques de fermes, engrossées par leur employeur ou par le fils du patron . Elles sont condamnées au mépris et à la recherche permanente d'un emploi, car expulsées sans ménagement de la maison du maître.
Naître bâtard , tout comme être mère d?un bâtard, une vraie tare !!


-Mais je lis encore :
« Lavarom hoaz eur bedenn evit ma teus danze en ôd, ha ma veom er penn kentaa mio-bio al loden vella »
Disons encore une prière pour que Dieu nous envoie des épaves, que nous soyons les premiers sur les lieux et que nous ayons la meilleure part.
 
- Ceux qui se suicidaient n?avaient pas droit à l?église. C?était effectivement ainsi, dans ma jeunesse, mais très vite cela s?est assouplit. On faisait semblant d?ignorer la cause de la mort en la transformant en accident.
- Dans le chapître consacré à la piété, il raconte le déplacement du prêtre se rendant au chevet d?un mourant pour le sacrement d?Extrême Onction. Les parents s?agenouillaient et se signaient au passage du Saint-Sacrement. Je peux confirmer, car cela se passait ainsi, dans ma jeunesse . 
-  Les Pères missionnaires interdisaient la contraception. Dans le voisinage, une jeune fille enceinte fut séquestrée par ses parents qui la laissèrent mourir de faim. 
-  Quel que soit le parti politique des habitants, ils sont restés catholiques, mais non pratiquants. Cela s?explique par le fait que toute la jeunesse est obligée de s?expatrier pour gagner sa vie ailleurs, et aussi par la faute de certains curés sectaires et bornés (il est facile de le prouver). Il y a donc aujourd?hui, dans certaines communes 50% de non pratiquants (L?édition que j?ai sous les yeux, a été imprimée en 1980). 
- Les danses à deux et les bals ne firent leur apparition que bien après 1919, et cela, malgré l?opposition du clergé. On appelait ces danses "An dansou kov- ha kof ", c'est à dire les danses ventre contre ventre


         7- Le témoignage de Daniel Bernard

Mais , je vais faire à nouveau référence à Daniel Bernard à propos des enfants naturels : "les bâtards". Il signale que les naissances illégitimes étaient assez nombreuses à Cleden-Cap-Sizun au début du XVIII ème siècle. De 1708 à 1712, on en compte 12. (en 1709 il y en eut 5, dont 3 à Quillivic). Pendant la seconde moitié du siècle, de 1750 à 1791, on n'en signale plus que 8 au total, et cette proportion est à peu près la même pour les autres paroisses du Cap. Ces chiffres sont connus par les déclarations de grossesse que les filles et les veuves étaient tenues de faire au greffe des tribunaux.
La paternité, donc la responsabilité des naissances illégitimes à Quillivic, pourrait être attribuée à Vincent de Keridiern exerçant son droit de cuissage sur des pauvres filles sans défense. Libertinage des classes dominantes, asservissement des classes dominées. (Le manoir de Kerdiern existe encore à Cleden : Kerdiern Ar Maner).

°°°°°°

Je reviendrai sur le contenu ce cet ouvrage dans un autre paragraphe. Quittons CLEDEN pour PRIMELIN. L'inauguration de la salle de danse de Rugolva, propriétaire Jacques Gloaguen, a lieu en 1914, en début d'année. Le propriétaire a l'intention d'y organiser des bals et danses tous les dimanches . Le recteur tonne en chaire contre ce projet. Le premier dimanche de février, les danses n'auront pas lieu, mais cela ne durera pas . Bientôt la guerre !!! (archives personnelles du Médecin Général Roger Moullec).

 

 

 

 

 

 

 

A suivre Ma Bro Ar C'Hap Gwechall suite 16

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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3 novembre 2013 7 03 /11 /novembre /2013 21:22

Ma Bro Ar C'Hap Gwechall suite 16

8- Les inventaires en 1906



La loi de séparation de l’église et de l’état a été adoptée le 3 juillet 1905 par la chambre des députés (342 voix contre 233) et le 9 décembre par le Sénat (179 contre 105). Elle abroge le concordat de 1801 mais maintient les lois sur les congrégations. En 1906, par l’encyclique ‘’Vehementer’’, le Pape PIE X condamne la séparation et la spoliation des biens d’église.
L’affaire des inventaires commence le 6 mars 1906 : dans de nombreuses églises et maisons religieuses, notammant en Bretagne, et à PARIS ( Ste Clothilde, St Pierre du Gros Caillou), on assiste à des échauffourées entre la police et des fidèles ).
Le 10 août, par l’encyclique ‘’Gravissimo’’, Pie X rejette le système des associations cultuelles. En novembre, les inventaires reprennent avec l’aide de l’armée, ce qui entraîne de nombreuses démissions ou refus d’obéissance chez les officiers. J’ai traité ce sujet dans le chapître consacré aux frères de PLOËRMEL
Le 11 décembre, la loi de séparation entre en vigueur, les évêques sont chassés de leurs palais, les curés de leur presbytères, les séminaires sont évacués et les bâtiments sont mis en vente ( déjà étudié dans le chapître consacré au petit séminaire de Pont-Croix).
En 1907, les prêtres sont réduits à l’indigence, le nombre d’ordinations passe de 1500 en 1904 à 700 en 1914. Le 8 octobre, le Pape PieX institue le denier du culte que les catholiques sont tenus , en conscience (sous peine de péché), de verser pour l’entretien de leur clergé : pourcentage des revenus recommandé : 1 jour de salaire pour les salariés, le revenu d’une journée moyenne pour les non salariés.

Les inventaires à Sainte Anne d’AURAY (Morbihan- 14 mars 1906)
( référence – Les Bretons et Dieu-page 142 et 215)

L’inventaire des biens contenus dans les églises, conséquence de la loi de séparation et de l’appropriation publique des lieux de culte, se heurte en Bretagne à une très forte résistance. Celle-ci s’explique tant par les traditions religieuses et politiques , que par l’attachement fréquent à une église récemment reconstruite au prix de grands sacrifices, et d’une modeste aide de l’état, par les paroisses. Dans les campagnes, la résistance est souvent passive, une protestation platonique du curé précédant l’ouverture des portes en cas de conciliation, le crochetage ou l’enfoncement autrement . Ailleurs, elle est physique : fourches, faux, bâtons sont brandis. Les ruches d’abeilles apportées dans l’église de BILL‹ (I.V) sont restées célèbres. Dans les grandes églises ou grands sanctuaires, une gigantesque manifestation attendait souvent les commissaires de police et les agents du fisc qui devaient se retirer. Il ne restait plus au receveur fiscal qu’à venir…subrepticement assister à la messe quelques temps plus tard, et ne rien perdre du spectacle autour de lui. Plus du 1/3 des inventaires furent ainsi effectués, discrètement dans la moitié ouest des Côtes d’Armor.
A Sainte Anne d’AURAY, l’agent du fisc n’avait pas osé venir . En conséquence, les fidèles se dispersèrent………
Les inventaires à Saint-Pol-de-Léon

Le souvenir de cette résistance avait imprégné les mentalités. Ce qui frappa le plus les esprits, fut le déploiement administratif (agent du fisc, commissaire de police, officier de gendarmerie), et le recours souvent important, à la troupe, d’autant que le temps écoulé entre les premières informations, les premières manœuvres, et les opérations réelles fut parfois long. Ce fut le cas à Saint- Pol- de- Léon, siège d’un ancien évêché, point sensible au cœur du Léon.
Dès fin février-début mars, la presse évoqua le recours à l’armée : « aucun serrurier de Morlaix ne veut se prêter au crochetage. Aussi, on assure qu’on fera venir de Brest un détachement de 15 sapeurs de l’infanterie coloniale pour enfoncer les portes. En effet le bataillon du 108ème de ligne, en détachement à Morlaix, ,ne possède plus de sapeurs ». (Ouest Eclair-25 fevrier 1906). Quelques jours plus tard, le même quotidien évoque les 400 hommes de l’infanterie coloniale de la brigade de Brest, qui ont reçu l’ordre de se tenir prêts pour Saint- Pol- de-Léon, en traison des accidents à craindre au cours des opérations d’inventaires.

Les inventaires à Limerzel

Nous connaissons LIMERZEL paroisse du Morbihan qui a inspiré Yves Lambert pour son livre ‘’Dieu change en Bretagne’’. Comment se sont passées les choses ?
Le vendredi 9 mars 1906, à dix heures du matin, environ 150 paroissiens étaient autour de l’église, très énervés par la présence des gendarmes venus protéger le receveur de l’enregistrement de MUZILLAC se disposant à l’inventaire des meubles de l’église ; il ne put faire sa besogne et s’en fut ; mais, les gendarmes, intimidés, demandèrent protection à Monsieur le Recteur ; il se mit à leur tête , et tous le laissèrent passer…
A l’église, la veille de l’inventaire, des montagnes de fagots sont dressées derrière chaque porte, de telle sorte qu’on ne peut entrer que par un vitrail, avec une échelle…

Et dans le Cap-Sizun ?

Christian Pelras a traité le sujet pour la paroisse de GOULIEN. Je le cite :
Le 5 mars 1916, Monsieur Fournoux surnuméraire de l’enregistrement, a été chargé par le gouvernement de faire l’inventaire du mobilier de l’église paroissiale de GOULIEN.
Après une visite courtoise au presbytère où un procès-verbal de carence fut vite établi, l’agent chargé de l’inventaire s’est dirigé vers le bourg. Les gens de la troupe des ‘’Paotred ar C’hap’’ ont salué son arrivée en chantant avec plus d’entrain que jamais ‘’Sao Breiz Izel’’ (debout Bretagne), et la foule massée sur la place et dans le cimetière (à l’époque autour de l’église), criait comme refrain ‘’Vive la liberté’’.
L’agent pénètre enfin dans le cimetière où un électeur influent l’interpelle immédiatement : ‘’ Monsieur lui dit-il, ce n’est pas vous qui auriez dû être ici, nous en attendions un autre. Monsieur Le Bail, notre député, qui a voté l’inventaire, aurait dû venir le faire lui-même, et il aurait vu comment les électeurs de sa circonscription s’élèvent contre ses votes à la chambre’’.
Cette apostrophe fut soulignée par les cris répétés de ‘’A bas Le Bail’’.
Monsieur Goret, recteur de GOULIEN, lut alors la protestation :
‘’Monsieur, il est de mon devoir de vous déclarer en ce moment, que la loi de séparation, dont le but est de déchristianiser la France, a été condamnée formellement par le souverain pontife Pie X. Elle est, dit-il,impie, injuste, contraire à la constitution divine de l’église.
Vous ne serez donc pas surpris, Monsieur, que j’élève ici la voix pour protester de toute mon énergie, en mon nom personnel, au nom de Monsieur Abjean, mon vicaire, au nom de cette chrétienne et vaillante population de GOULIEN, contre l’inventaire que vous vous proposez d’opérer.

(Note de l’auteur : Monsieur Abjean, qui se piquait de poésie bretonne, est l’auteur du cantique ‘’Da Feiz hon Tadou Koz’’, écrit au début du siècle à GOULIEN. Il aurait été chanté lors des élections municipales de 1904. J’ai sous les yeux, la photocopie de l’imprimatur délivré à QUIMPER le 13 avril 1906, par le vicaire général Corrigou. Le cantique s’intitule : D’alc’homp d’hor feiz –gardons la foi- daté de GOULIEN , d’an 12 a viz ebrel 1906 –12 avril 1906. Ceci pourrait s’expliquer par le fait que, d’abord chanté à GOULIEN, ce cantique a obtenu l’imprimatur en 1906 pour être , par la suite, chanté ailleurs. Selon certains témoignages, l’auteur aurait rédigé son texte sur une table de cafè, au bourg. Une autre version dit qu’il s’agit de la table de ferme de la famille Velly, au village de Kérisit. La famille Velly appartient à la branche familiale de ma grand-mère maternelle. Mais, il faut se méfier de la paternité des choses du passé. Il s’agit peut-être , tout simplement, du presbytère).
A nos yeux à tous, cet acte que vous avez mission de remplir, n’est que le prélude d’une confiscation sacrilège. Je ne saurai , par conséquent, vous prêter le moindre concours, ma conscience de catholique , de prêtre, et de pasteur de cette paroisse me l’interdit.
Je vous demande, Monsieur, de prendre cette protestation à votre procès-verbal.

Un conseiller de la fabrique, Monsieur Y. Goraguer, propriétaire à Kerguerrien en GOULIEN, au nom de J.F Dréau, président du conseil, malade, et au nom des autres conseillers, Mathieu Le Bras, Alain Donnart, Yves Quéré, Jean-Yves Dréau, maire, proteste aussi contre l’inventaire :
‘’Monsieur : Chargés des biens de l’église paroissiale de GOULIEN, et responsables de cette gestion devant Dieu, nous avons le devoir, nous conseillers de fabrique de GOULIEN, de protester énergiquement contre l’inventaire que vous vous proposez d’opérer. Nous ne sommes pas de ceux qui estiment que la force prime le droit et la justice. Ainsi, n’attendez pas notre concours ;
Nous faisons réserve de tous nos droits par rapport aux biens qui , mis à la disposition de cette fabrique, appartiendraient à des tiers.
Nous réclamons l’insertion de la présente déclaration en tête de votre procès-verbal’’.
L’agent, après avoir écouté ces deux protestations, demande à Monsieur le recteur :
‘’Puis-je procéder à l’inventaire ?
J’ai fait mon devoir , répond simplement M. le Recteur
Mais, puis-je inventorier ? reprend l’agent
Cette fois, c’est la foule qui répond :
Non, Non, mille fois Non, inutile d’insister.
L’agent n’hésite pas, et s’en va’’ .

(note de l’auteur : On devrait se souvenir que dans le Cap, quand on dit Non, c’est Non !!)
‘’On pénètre alors en rangs serrés à l’église où a lieu une superbe cérémonie. Credo chante la foule avec énergie. Ah ! elle a bien prouvé sa foi, la vaillante population de GOULIEN.
Malheur à ceux qui tenteraient ,plus tard, de fermer son église’’.
Le fonctionnaire de l’enregistrement n’ayant pu procéder à l’inventaire par la persuasion, les autorités décidèrent d’avoir recours à la force. Cette mission fut dévolue à un escadron de cuirassiers. Faisant le tour du canton, ils passèrent d’abord par MAHALON, PLOUHINEC, AUDIERNE, ESQUIBIEN, PRIMELIN, PLOGOFF, et n’y rencontrèrent aucune difficulté . Les dernières de ces communes avaient d’ailleurs conservé des municipalités rouges.
A CLEDEN, la population manifeste son hostilité, mais les opérations purent se dérouler sans heurt. Mais ,à GOULIEN , les habitants, forts de leurs résolutions précédentes, avaient décidé d’opposer la force à la force. Tout le monde s’était réuni autour du cimetière, et chacun s’était armé qui d’un bâton, qui d’une fourche, qui d’une serpe. Mais quand les cuirassiers aperçurent de loin cette foule hostile, ils mirent ‘’sabre au clair’’ et chargèrent en rangs serrés. Que pouvaient donc faire les villageois ? …L’inventaire eut lieu .
Il apparaît cependant, d’ores et déjà, que le Capiste, dans sa singularité, entend être maître chez lui, et que si on veut lui imposer des choses venues de l’extérieur , il cède à la force, quand il ne peut pas faire autrement. Il ne faudrait pas l’oublier. (La remarque vaut peut-être même pour les gens venus d’ailleurs, nous en reparlerons).
La curiosité m’a amené à chercher dans le passé, des exemples de ce comportement. J’en ai trouvé un, qui se situe en 1793, à Saint-Tugen, donc dans la période révolutionnaire, connue pour les risques encourus dans les cas de désobéissance.
Ecoutons le chanoine Pérennès, et son ouvrage « Saint-Tugen en Cap-Sizun » , datant de 1936 :
‘’Par un arrêté du 24 janvier 1793, le directoire du district de PONT-CROIX prescrivit d’envoyer au même district les matières d’or, d’argent et de cuivre, ainsi que les ornements qui se trouvaient à Saint-Tugen….Au nombre de ces objets, était une cloche pesant 387 livres, qui , le 23 mai 1793, fut dirigée sur BREST. Au moment où l’on empilait dans des charrettes les objets enlevés, une pieuse femme de ‘’Saint-Tujan’’, Jeanne Cuillandre, femme Marc Normant, trompant la vigilence des gardes, ôta d’une de ces charrettes le magnifique calice gothique conservé au presbytère de PRIMELIN.
Elle le lança par dessus un mur, dans une propriété voisine. Cet acte, paraît-il, passa inaperçu, et un instant après, lorsque la voiture eut disparu, la même personne s’en vint reprendre son calice qu’elle trouva intact. Ce magnifique calice fut ainsi sauvé d’une destruction certaine. (cf : Daniel Bernard)

(la généalogie de la branche maternelle de ma famille situe l’origine des Normant à Primelin, où ils sont identifiés aux environs de 1700) .
En fait, ce calice du XVI ème siècle qui mesure 0 m,29 de hauteur et 0 m,11 de diamètre, fait aujourd’hui partie du trésor de Saint-Tugen. Nous aurons l’occasion de reparler de Saint-Tugen , dans un chapitre consacré aux chapelles, mais, il apparaît, une fois encore , que le Cap c’est le Cap, les Capistes sont les Capistes, et ce depuis toujours. Peut-être même qu’ils entendent le rester !!
Dans la notice ‘Les cahiers de Monsieur Abjean’’ consacrée à PRIMELIN et Saint Tugen, Roger Moullec note que Monsieur Le Carguet, percepteur à AUDIERNE et érudit, ‘’se fit porter malade pour ne pas procéder aux inventaires’’. Notons que Monsieur Le Carguet a écrit en 1916 : ‘’Petite chronique de Monsieur Sainct Tugen, mais il n’aborde pas le sujet des inventaires.
L’histoire du calice est confirmée par l’Abbé Velly qui a écrit plusieurs notices sur Saint-Tugen au début du XX ème siècle. Il est mort en 1933, et appartiendrait à la branche Velly de ma grand-mère maternelle, originaire de GOULIEN).
Le registre paroissial de PRIMELIN note en 1906 , l’arrivée de Monsieur Claquin recteur. Le 8 mars de cette année, 200 personnes empêchèrent l’inventaire des biens de la fabrique. Le 21 novembre à 9 heures 30, le percepteur intérimaire ( le titulaire Le Carguet est malade) escorté d’une compagnie de dragons, se présente pour effectuer les inventaires, pendant les obsèques du fils de Jean-Guillaume Coz de Prad-Honest . Protestation solennelle de Monsieur Claquin. L’inventaire est fait sommairement et rapidement .
Voilà quelques éléments de réflexion pour aider à comprendre le tempérament Capiste. Rappelons aussi que les chapelles avaient été vendues comme biens nationaux à des gens du Cap. J’y reviendrai .

9- Le refus d’absolution-

Avant de clore le chapitre des religions, je veux revenir sur la sanction consistant à refuser l’absolution aux pénitents, finalement très répandue puisqu’elle qu’elle s’est produite dans ma famille. Daniel Bernard en fait d’ailleurs état (page 86), à l’époque du concordat, dans la paroisse de CLEDEN où le recteur s’appelait Jean Joseph Gloaguen, mort à ESQUIBIEN en 1813. Considérons les faits :
- Un croyant se rend au confessionnal en vue de demander l’absolution pour 2 types de fautes :
- les péchés véniels
- les péchés mortels
- Si le pénitent se trouve en état de péché mortel, il ne peut accéder au paradis. Il ne pourra y accéder qu’après avoir obtenu l’absolution. Si l’absolution est refusée, il est donc condamné à l’enfer. Imaginons un pénitent sortant du confessionnal sans avoir reçu l’absolution, et se faisant écraser par une voiture ou victime d’un infarctus ou d’un quelconque accident mortel à la sortie de l’église. Ce pénitent va directement en enfer puisqu’il est en état de péché mortel non absous.
Qui est responsable ? Je pose la question !!
Le pénitent est allé avouer sa faute et demander pardon. Le confesseur, juge en la matière , a refusé l’absolution pour des raisons qui lui sont propres. Ce refus est une condamnation devant le tribunal de Dieu, d’un pénitent qui a fait amende honorable. Pour ma part, je considère que le confesseur est responsable à 100 % .
Excès de pouvoir, intolérance, charité chrétienne, hypocrisie, sectarisme, goût du pouvoir absolu, à moins qu’il ne s’agisse tout simplement de l’imbécilité des hommes !! Chacun trouvera le mot juste ! Nous sommes loin de l’encyclique ‘’Rerum Novarum’’, de ‘’Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ’’ ou ’’Aimons nous les uns les autres’’ !! Certes, la confession est faite pour obtenir la pureté, mais le refus d’absolution, dans le cas du choix de l’école, relève de l’exercice d’un pouvoir dictatorial d’une catégorie dominante sur une catégorie dominée et asservie. En quelque sorte, un système féodal.
Il ne faut peut-être pas chercher trop loin la cause de la désertification des églises. Autoritarisme et cléricalisme ne font qu’un en la matière. Exploiter la crédulité, la superstition, la naïveté, en utilisant le paganisme auprès d’un troupeau inculte, servile, éprouvant le besoin et une certaine joie à être dirigé, n’est pas exactement un critère de bon exemple ni de bonne morale. Comme les excès de la monarchie ont créé la révolution, les abus en matière de religion ont fait fuir les fidèles. Certes, Dieu reconnaîtra les siens, mais tout de même !!
Alors, quand un recteur a tort, même s’il n’a fait qu’obéir, c’est peut-être lui que l’on retrouvera dans les flammes éternelles, à la place d’une simple pénitente honnête et repentante, aussi propre intellectuellement que moralement. C’est en tous cas la place qui devrait lui revenir. Nous avons vu que la désobéissance à une hiérarchie peut être la conséquence logique d’un problème de conscience. Ce qui est vrai pour les officiers, disciplinés et obéissants par définition, devrait être également vrai pour les religieux soumis certes aux règles de l’obéissance, sous réserve que cela n’aille pas à l’encontre de l’idée qu’ils se font de la déontologie et de la morale . Conclusion : il y a Dieu, et les hommes de Dieu qui sont aussi des hommes, avec leurs forces, mais aussi leurs faiblesses. Mais, la religion a changé. Elle est désormais entre les mains d’hommes nouveaux qui vont devoir apurer le passé et proposer une forme plus actualisée de la pratique religieuse, plus conforme à notre époque et plus moderne en somme.

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A suivre Ma Bro Ar C'Hap Gwechall suite 17

(La centrale de Plogoff)

 

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3 novembre 2013 7 03 /11 /novembre /2013 21:21

Ma Bro Ar C'Hap Gwechall suite 17

La centrale de Plogoff

 
Après avoir traité abondamment l’histoire du Cap dans son aspect religieux et héritage culturel, il est temps d’aborder un évènement plus récent et sans aucun doute encore brûlant, qui a défrayé la chronique autour des années 1980. Je veux parler du projet de centrale nucléaire à PLOGOFF , au bout du Cap-Sizun, à l’extrémité ouest de l’hexagone, tout près de la Pointe du Raz.

1- Rappel chronologique - Références :
a) - PLOGOFF, La Révolte, éditions Le Signor.
b) - Femmes de PLOGOFF, Renée Conan et Annie Laurent
c) - Les Pierres de la Liberté, René Pichavant
d) - Presse
e) - Emission de télévision- FR3- 27-5-2000

Tout commence en 1974. Monsieur Giscard d’Estaing est élu Président de la République. Le monde vient de connaître le premier choc pétrolier lors de la guerre du Kippour en 1973. Les pays du Proche Orient ont décidé des hausses de prix du pétrole brut jusqu’à 100 %. (Un 2ème choc pétrolier se produira plus tard en 1979).
Les Capistes découvrent par le journal, en 1974, la liste des sites favorables à la construction d’une centrale nucléaire en Bretagne : Beg ar Fry en GUIMAËC, PLOGOFF, ERDEVEN, PLOUMOGUER (nord Finistère), et TREGUENNEC en Bigoudénie. Fin 1975, le conseil régional ainsi que le conseil économique et social, donnent un accord de principe pour la construction d’une centrale nucléaire en Bretagne. La venue de techniciens EDF, pour des sondages à PLOGOFF déclenche les premières barricades en 1976.
En septembre 1978, le conseil économique et social, ainsi que le conseil régional, font le choix de PLOGOFF. Ce choix est confirmé au conseil général du Finistère en novembre 1978. La lutte antinucléaire se met en marche.
En août 1979, le groupement foncier agricole (GFA) construit une bergerie sur le site. Annie Carval (ma petite cousine) devient Présidente du comité de défense en décembre 1979. Le maire élu en 1977 est Jean Marie Kerloch, retraité de la royale, maître principal timonier (Adjudant-Chef) doté d’un tempérament et potentiel de chef d’un niveau bien supérieur à son grade professionnel, comme l’avenir ne tardera pas à le démontrer.
Je n’ai pas l’intention de raconter PLOGOFF en faisant un rappel historique des évènements. Je les ai vécus de loin, même si j’ai pu rencontrer, en certaines circonstances, quelques uns des principaux acteurs . Mon but est plutôt d’essayer de comprendre, voire d’expliquer et de faire comprendre ce qui s’est passé. Il apparaît de manière évidente que la population , concernée au premier chef, n’a jamais été consultée. Les pouvoirs : central, régional et même départemental, ont fait un choix autoritaire, partant du principe ou tout au moins considérant que cette « espèce de population du bout du monde, inculte, arriérée et sous-développée », se laisserait faire sans discuter. C’est la preuve évidente d’une méconnaissance totale et fondamentale de la race Capiste et de sa psychologie dont je viens de parler longuement dans les chapitres précédents. Méconnaissance de la race certes, mais aussi de son histoire considérée et traitée sans doute avec une certaine dose de mépris.
Certes, nous fournissons , ou plutôt fournissions jusqu’à présent de nombreux fonctionnaires, militaires, gendarmes, policiers, tous disciplinés naturellement dans l’exercice de leur profession. Pourquoi tant de fonctionnaires ? Parce que le pays ne nourrit pas son homme. Le Capiste est contraint de s’expatrier pour faire sa vie ailleurs et revenir un jour, vivre sa retraite si les conditions matérielles et familiales sont réunies favorablement. Cela a déjà été écrit par d’autres que moi. Le pays est beau, les paysages sont exceptionnels. Personne n’a encore jamais écrit le contraire à ma connaissance. La qualité de vie est incontestable. Mais pour y vivre, il faut des revenus, et ces revenus, il faut aller les chercher et les gagner ailleurs. C’est ainsi. Ce que j’ai déjà écrit donne une explication partielle de cette situation, mais j’y reviendrai.
C’est donc à cette population sous-développée, asservie, soumise, obéissante et même fataliste, incapable de réagir, que l’on va imposer une centrale nucléaire, qui lui apportera en même temps que du travail, la solution de tous ses problèmes. Très vite, on va assister à la fracture de la population en 2 camps, et même 2 clans. Comme en politiqus il y a ‘’les blancs et les rouges’’, la droite et la gauche, il va y avoir les pour et les contre, situation relativement normale et banale après tout ;
Qui est pour ? Comme par hasard, le député Guermeur, ses spadassins, ses sbires , ses valets et ’’cireurs de pompes’’ ainsi que les forces politiques de droite dans lesquelles on trouve quelques ambitieux et non des moindres, désireux de saisir une balle au vol, de se constituer un tremplin pour ‘’entrer dans la carrière’’. Cela ne va pas leur réussir immédiatement. Plus tard peut-être car les Capistes, à l’exception des’’Plogoffistes’’, ont parfois la mémoire courte . Sont pour également , ceux qui privilégient des intérêts cupides : un terrain à vendre, une parcelle convoitée par l’ EDF, un commerce à céder, des opportunistes en tous genres.
Qui est contre ? La population ‘’Plogoffiste’’presque en totalité, la population Capiste dans sa plus grande majorité. Il aurait sans doute été extrêmement simple de faire un référendum dans les communes concernées (constitutionnel ou pas), mais la peur du verdict a privilégié l’absence d’initiative dans ce domaine. Et ce sont les forces politiques de gauche, tout particulièrement le parti socialiste et les écologistes qui encadrent ce courant de pensée, le parti communiste étant tout d’abord contre le projet de centrale , puis pour. On peut lire à ce sujet le livre de René Pichavant ‘’Les Pierres de la Liberté’’ et ‘’PLOGOFF , la révolte’’déjà cité.
Mais, PLOGOFF, c’est quoi ? Une petite commune du bout du monde, une population inférieure à 2.000 habitants (600 foyers selon R. Pichavant- page 105- faites le compte !!). Autant dire qu’ils n’ont aucune chance face à la machine étatique. Non ! Aucune chance ! L’état et les politiques du moment ont décidé. La centrale se fera, coûte que coûte, avec ses cheminées et ses marmites obèses défiant la Pointe du Raz, démocratiquement bien-sûr, puisqu’il y aura une enquête d’utilité publique, enquête qui ne sert à rien comme celles que l’on continue à faire encore aujourd’hui pour les porcheries. Je n’aurai pas le mauvais goût de parler comme certains d’enquête d’inutilité publique puisqu’il s’agit de la loi, et que la loi c’est la loi !! Le résultat de l’enquête est pourtant connu d’avance, mais il convient de respecter la procédure. PLOGOFF aura sa centrale ! Point final !
‘’T’as qu’à croire mon lapin, comme disait autrefois un de mes amis !! ‘’
Au début de cette rédaction, j’ai parlé des ‘’Marie-Jeanne’’ du Cap. Oui , les femmes ! Rien de plus normal dans un pays de marins, où les femmes sont habituées , voire condamnées à prendre des initiatives et des responsabilités parce que les hommes sont en mer, par tous les temps, au loin, parfois plus près, selon qu’ils sont dans la marine marchande ou à la pêche.
( Curieusement, les femmes sont très peu présentes et même plutôt absentes en politique) ; simple constat ! Elles devraient y réfléchir ) .
Les femmes donc, et un bonhomme exceptionnel, un petit maire de rien du tout qui vit tranquillement sa retraite, au service de sa commune, après avoir servi 25 ans dans la Royale : Jean Marie Kerloch. On ne sert pas 25 ans sous l’uniforme, sans acquérir des éléments de discipline, d’obéissance et de citoyenneté. L’armée apprend à obéir, je me porte garant de cette affirmation et on me prêtera peut-être quelque compétence en la matière. Pour autant, on n’est jamais obligé de vendre son âme au diable.
Je ne résidais pas en Cap-sizun à l’époque. Pourtant, je me suis senti solidaire de ceux qui osaient affronter le pouvoir, non par goût de la contradiction ou du défi, mais tout simplement par respect de la terre de mes ancêtres. Je deviendrai donc propriétaire à PLOGOFF, le 12 octobre 1980, quand il n’y avait plus d’espoir, en acquérant pour la somme de cent francs à l’époque, une action au groupement foncier agricole.. Le reçu de mon versement porte le numéro 4212, et il est signé par Madame Amélie Kerloch .
Selon un autre ouvrage ‘’Femmes de PLOGOFF’’, par Renée Conan et Annie Laurent (page 124), le groupement foncier agricole a été crée en 1978. Il regroupe en 1980, 5493 personnes en France et à l’étranger, qui ont signé une ou plusieurs parts au GFA, pièce maîtresse de la lutte antinucléaire puisqu’il est situé sur 60 hectares du site, rendant ainsi toute expropriation difficile, pour ne pas dire impossible. Je constate, à la lecture de ces chiffres, que après moi, 1281 personnes sont devenues actionnaires au GFA entre les mois d’octobre et novembre 1980, alors que l’enquête publique avait lieu du 31 janvier à la mi-mars 1980 . Comportement de desperados des souscripteurs peut-être, mais incontestablement signe de refus. La première assemblée générale du GFA a eu lieu le samedi 6 décembre 1980, à 20 heures 30, salle de ‘’La Ville d’YS’’ à la Baie des Trépassés, chez mon cousin et parrain Fanch Barbéoch, qui avait pris la suite de sa mère : ma tante Marie-Jeanne, un bien joli nom !!
Les commissaires enquêteurs, chargés de rédiger le rapport d’enquête se nomment Amiral Georgelin, Commandant Nédélec.Bien entendu, ils vont rédiger un rapport favorable à 100 %.
Les péripéries et grands évènements de l’enquête ont été remarquablement décrits dans les ouvrages cités en référence. Je n’y reviendrai pas, il suffit de les consulter. Par contre je crois pouvoir dire qu’une petite population du bout du monde a su mobiliser l’opinion publique, médiatiser l’événement, et se mobiliser elle-même, n’hésitant pas à affronter les forces de l’ordre qui ont dans cette affaire, fait office de bouc émissaire puisqu’elles représentaient la loi, et que ‘’force doit rester à la loi’’ car elle est la loi . Mais, à propos des forces de l’ordre et uniquement par souci de respecter une terminologie correcte, sans vouloir jouer sur les mots, je considère que l’appellation est impropre dans le cas de PLOGOFF. En effet pour qu’il y ait engagement des forces de l’ordre , il faut qu’il y ait préalablement désordre, vandalisme, émeute ou insurrection par exemple. Ce n’était pas le cas à PLOGOFF avant les évènements venus d’ailleurs et considérés sur place comme provocateurs. En conséquence, ‘’forces de la légalité’’ me semble mieux convenir ici, car pour ma part, je ne conteste pas et même respecte la légalité qui devrait, condition essentielle, être en toutes circonstances démocratique . D’ailleurs, un des intervenants de l’émission de télévision, ancien responsable du dossier PLOGOFF à EDF, en l’occurrence Jean Michel Fauvé a parlé de ‘’liturgie républicaine stupide’’. On peut cependant, et à postériori, tirer les enseignements essentiels de ces évènements, à savoir que les protagonistes se sont bien gardés de commettre l’irréparable.

2- L’irréparable n’a jamais été accompli-

Il n’y a pas eu de mort, ni du côté de la population civile, ni du côté des forces de la légalité. Ceci est dû à la valeur de l’encadrement chez les uns comme chez les autres. Certes, il y a eu des affrontements, souvent sévères, mais la discipline a toujours été respectée, et plus particulièrement ce que l’on appelle professionnellement ‘’la discipline de feu’’ chez les gendarmes. Il aurait suffi d’un seul coup de feu, tiré par un simple fusil de chasse manipulé par un provocateur, pour créer la situation de tous les dangers car, il faut savoir que ‘’le feu attire le feu’’. Il est vrai aussi que la responsabilité consiste à donner des armes uniquement à ceux qui sont capables de ne pas s’en servir ou plus exactement de s’en servir, en cas de nécessité, et sur ordre . ( Pour l’anecdote, je ne résiste pas au plaisir de signaler que j’ai détenu, par autorisation administrative, de 1957 à 2003, soit pendant 46 ans, un pistolet automatique qui m’a accompagné dans ma vie professionnelle et ailleurs. Il a été décidé de ne pas renouveler cette autorisation en 2003, pour des raisons qui relèvent peut-être plus du ragot de caniveau nauséabond car mal entretenu, que de la dangerosité du détenteur qui utilise pour exprimer ses idées la plume et non des armes. A moins que je ne sois taxé de sénilité précoce ou de délit de plume !). 
J’ai déjà dit que je m’étais entretenu de PLOGOFF avec celui qui était, à l’époque , le Colonel Charlot, commandant la gendarmerie départementale du Finistère. Son point de vue n’est pas secret, puisque le Colonel, devenu Général, s’est exprimé à la télévision, le 27/5/2000. Je cite :
« La situation n’a jamais été perçue au niveau national pour arrêter l’enquête et remettre en cause la construction de la centrale ».

Il aurait donc fallu arrêter cette enquête, selon l’avis autorisé d’un responsable de premier plan. Ne serait-ce pas là, le point de vue d’un homme de bon sens ? Et pourquoi pas aussi le point de vue de nombreux gendarmes contraints d’exécuter les missions qu’ils reçoivent, parfois même à contre cœur ? Je pose la question ! A chacun sa réponse !
Mais, je dois aussi parler de l’enlèvement d’un gendarme à la sortie d’une boîte de nuit, par des énergumènes. Promené de nuit, ce gendarme a cru sa dernière heure arrivée. Je cite encore le général :
« Cet événement n’a rien à voir avec des mœurs de citoyen républicain et démocrate ».
Encore que la démocratie n’a jamais été respectée à PLOGOFF, puisque la centrale, venant d’en haut, était imposée à ceux d’en bas, qui n’ont jamais été consultés. C’est, pour le moins, une erreur psychologique.

C’est mon point de vue. Les gendarmes sont des militaires qui font leur métier, un métier qui consiste à obéir, parfois dans la grandeur, souvent dans la servitude. Les gens de ma génération ont bien connu la servitude au cours de leur carrière. Le maintien de l’ordre est une mission très difficile. Les forces qui en sont chargées obéissent au pouvoir politique. C’est à ce dernier qu’il faut s’adresser pour exprimer son désaccord, pas à un lampiste qui a commis l’erreur d’aller danser, malgré l’interdiction , laquelle relève d’ailleurs d’un problème de discipline interne.
J’ai recueilli aussi le point de vue du Colonel Deiber, aujourd’hui disparu. Nous avons parlé très librement car nous étions de vieilles connaissances, voisins de chambre à l’école de Saint-Maixent en 1954-1955. Il avait été profondément choqué par certains comportements qu’il jugeait excessifs de la part de la population. Il est vrai que certaines actions ressemblaient au ‘’travail de maquisard’’ (Général Charlot). Mais, se faire caillasser, évoluer dans le lisier, encaisser les insultes et les grossièretés ne sont pas des situations agréables à vivre. Le moindre incident aurait pu devenir très vite un événement dont on aurait mesuré, plus tard la gravité. Cela n’a pas eu lieu, heureusement !

3- L’encadrement a joué son rôle, des deux côtés-

J’ai parlé de la ‘’discipline de feu’’, chez les gendarmes. Mais, il y a eu le même souci de ne pas commettre l’irréparable dans la population tenue en mains et dirigée par le maire et Annie Carval, présidente du comité de défense ;
Y avait-il des armes ? Je n’en sais rien. Je n’y étais pas. Certains propos tenus à la télévision par des acteurs de l’époque n’ont pas été catégoriques. Ni oui, ni non !! Mais, on ne prend pas de risque à dire qu’il y avait forcément des armes de chasse détenues par les chasseurs. Et une arme de chasse peut tuer ou blesser grièvement. Je l’ai vu assez souvent en Algérie. Alors il aurait suffit d’un énergumène ou d’un excité pour…
Donc la population a exprimé son refus de la centrale avec les armes dont elle disposait : cailloux, barrages, lisier etc…sans jamais utiliser d’arme à feu. Il faut cependant imaginer l’état d’esprit des forces de la légalité qui, ne faisant que leur métier, recevaient des projectiles en tous genres, sur des terrains nauséabonds, arrosés de déjections animales, de lisier, de fumier etc…
Les forces de la légalité étaient cantonnées à l’ex petit séminaire de PONT-CROIX . J’ai déjà cité dans un chapitre précédent (religions), le Père Gusti Hervé qui fut le porte parole de l’évêque : Monseigneur Barbu. L’évêché a démenti (Pichavant page 51) le projet d’occupation du séminaire, mais l’occupation s’est tout de même effectuée.
« Nous avons été obligés par la loi sur réquisition » explique l’évêque (Pichavant page 85).
Alliance rescellée du sabre et du goupillon, toujours selon Pichavant. Résultat : les anciens élèves du collège Saint Vincent de PONT-CROIX, c’est à dire du petit séminaire, et parmi eux des prêtres, ont protesté dans un communiqué contre l’occupation de l’établissement,
s’indignant de voir « traiter en émeutiers et dangereux terroristes, ceux qui ont le seul tort de vouloir s’opposer à la procédure d’une enquête publique, au nom de leurs intérêts de paysans, de marins-pêcheurs, d’hommes et de femmes du peuple » (Pichavant page 181). Il faut citer aussi la prise de position des médecins, des pharmaciens, vétérinaires, dentistes, infirmiers, infirmières qui , unanimement dénoncent les risques de l’implantation prévue. Et les marins-pêcheurs d’AUDIERNE qui votent contre. Les médecins défilent (70 au total d’après Pichavant), les anciens combattants, décorations pendantes aussi. Un comble ! Les anciens militaires qui manifestent leur opposition aux gendarmes, militaires eux aussi ! Ubu, caricature bouffonne de la stupidité bourgeoise , ou Kafka, désespoir de l’homme devant l’absurdité de l’existence. A chacun son propre choix !!

4- 1981 : François Mitterand est élu Président de la République –

Disons plus simplement que l’on a créé à PLOGOFF une situation grotesque , consistant à imposer à une population pacifique, quelque chose dont elle ne veut pas. L’état est le plus fort. Le décret d’utilité publique est signé par le premier ministre Raymond Barre, le 2 décembre 1980 (confirmé au conseil d’état). 1981 arrive .Elections présidentielles :

François Mitterand est élu Président de la République, le 10 mai 1981,

Au 2 ème tour, avec 51,75 % des suffrages, battant Monsieur Giscard d’Estaing. Au cours de la campagne, Monsieur Mitterand avait déclaré, le 10 avril 1981, à BREST :
« PLOGOFF ne figure pas dans mon plan nucléaire. J’entends terminer les centrales en construction, mais je n’entends pas mettre en œuvre celles qui ne le sont pas »
Ces propos ont été publiés dans tous les quotidiens de France, exemple ‘’La Montagne’’, journal de l’Auvergne, et d’autres. Le 8 mai 1981, au cours du débat télévisé l’opposant à Monsieur Giscard d’Estaing, Monsieur Mitterand prône la diversification des sources d’énergie. Le 26 mai : 2 parlementaires, 17 conseillers généraux, 350 maires ou conseillers municipaux écrivent à François Mitterand . Le 28 mai Louis Le Pensec, ministre de la mer, et Georges Lemoine , secrétaire d’état chargé de l’énergie, annoncent l’abandon du projet de PLOGOFF. J’étais en Auvergne. J’ai embrassé ma femme. Merci Grand Louis !! (Le Pensec).
Le 28 juin, 30.000 personnes fêtent la victoire à PLOGOFF. La centrale ne se fera pas . OUF !! Nous l’avons échappé belle !!

5- Epilogue-

On peut épiloguer. Que se serait-il passé si la centrale s’était faite ? Je ne suis pas devin et je ne lis pas dans le marc de café. Je me contente de remercier le ciel et Monsieur Mitterand puisqu’elle ne s’est pas faite. Bien-sûr , on peut polémiquer. J’ai sous les yeux une lettre écrite le 26 janvier 1988 par une association politique locale (devinez laquelle) et adressée au Président de la République. Dans un charabia indéchiffrable, qu’il a sans doute été le seul à comprendre, le rédacteur mélange l’élevage des moutons du Larzac aux éoliennes et les plantes médicinales aux quotas laitiers de Monsieur Rocard et aux problèmes de la marine marchande. Plus loin on lit encore : PLOGOFF vit, mais le Cap crève, et les enfants du Cap sont une race en voie de disparition. Polémique sans aucun doute , et qui plus est d’une rédaction aussi douteuse que primaire et insolente.
Polémique aussi , le lecteur de PRIMELIN qui fait publier dans le ‘’Télégramme de Brest’’ du 12-6-2001 : PLOGOFF, une victoire pour qui ? Passons ! A toutes ces polémiques, je préfère un article publié dans le quotidien ‘’La Montagne ‘’de Clermont-Ferrand, le 11 avril 1980. Je cite textuellement :
« La vérité, c’est tout simplement qu’il est criminellement stupide de vouloir construire une centrale sur un site qui non seulement est l’un des plus visités de France, donc une source de devises non négligeable, mais encore le symbole du paysage breton. La Pointe du Raz doit être protégée contre les technocrates des implantations nucléaires pour une simple raison de principe : on ne peut défigurer ce site, à peine de voir demain des centrales s’installer dans dans les plus beaux paysages du reste de la France, forte de ce précédent. La réaction des Bretons est donc là purement de bon sens. Reste à savoir si l’intérêt qui consiste à garder intacte la Pointe du Raz, est compatible avec le royaume d’EDF qui ne veut ni refaire ses études, ni comprendre que les ruines de la centrale resteraient durant des millénaires près de la Pointe du Raz, alors que le nucléaire serait depuis longtemps abandonné ».

Merci les Auvergnats ! Vous avez tout compris dans votre belle région , fief du Président de la République en exercice , lorsque cet article est paru. Le quotidien ‘’La Montagne’’ est un journal d’information, comparable à nos journaux locaux, pas particulièrement engagé en direction du ‘’pro ceci ou anti cela’’. Un journal modéré tout simplement !
Certes, en Auvergne, comme ailleurs, des réunions d’information ont été organisées à partir de PLOGOFF. Ceci est aussi la preuve de l’organisation pacifique de la lutte, étendue au plan national et même au delà. (Jean Moalic a animé une réunion salle Gaillard à Clermont Ferrand le 16 avril 1980, soit 5 jours après la parution de l’article ci-dessus, devant un nombreux public. Je rappelle que Jean Moalic a été président du GFA) .
Merci l’Auvergnat ! Plagions Brassens, et son Auvergnat qui tend la main :
« Elle est à toi cette chanson, toi l’Auvergnat qui sans façons….. »
Mais, je l’ai dit, la polémique est stérile. Aujourd’hui, les éoliennes de GOULIEN font un pied de nez à la centrale. Les Plogoffistes ont gagné. Les dieux étaient avec eux. La politique aussi . Ils s’en souviennent.
Mais, qui pourra expliquer que ce qui était bon pour une centrale hier, est aujourd’hui propriété du conservatoire du littoral, et que la Pointe du Raz est classée grand site national, ce qui est tant mieux, sans aucun doute ! Mais , où est la cohérence du raisonnement ? Hier, bon pour une centrale, des tonnes de béton, des bonbonnes prétendues invisibles, des pylones… j’en passe. Cela se serait traduit par une fuite des touristes vers des cieux plus cléments. Aujourd’hui, interdiction de déplacer un caillou (sauf quand ils servent de munitions), sans l’aval des bâtiments de France. Qui peut expliquer ? Les élections ont très certainement du bon quand elles redressent le tir pour éviter des catastrophes. Evidemment , le contraire est également vrai. Mais , ceci est un autre problème .
En attendant, VIVE PLOGOFF, qui a montré la voie et sauvé l’honneur du Cap !!
Mais, je ne veux pas clore ce chapitre sans évoquer quelques uns des propos tenus par d’autres, tous plus savoureux les uns que les autres.
René Pichavant tout d’abord, qui parle de « mairedaillons », d’un député « omnichiant » (j’ai cherché au Larousse, je n’ai pas trouvé ; il fallait l’inventer), qui cultive sur son strapontin l’art de parler pour ne rien dire et d’enfoncer les portes ouvertes (Oh, Ma Doué !). Il parle aussi du racisme sous prétexte, ‘’exact’’, que le mot ‘’bicot’’ est parfois utilisé. Puisque c’est exact, ce n’est plus un prétexte. A croire qu’à PLOGOFF, on n’avait pas envie de voir arriver la maison ‘’BOUYGUES’’, et son cortège de ‘’gens venus d’ailleurs’’.
Un peu plus loin (page 84), il parle des ‘’Pecquenots du Cap-Sizun’’. Fais gaffe René ! Tu es des nôtres, sans quoi, le pecquenot que je suis, communément appelé ‘’Plouc’’ en dehors des frontières capistes, te dirait…Non, il ne te dit rien puisque tu as bien écrit ! Après tout, l’Audiernais que je suis aussi a tout lieu de se réjouir puisque le conseil municipal d’AUDIERNE (à l’époque), a voté contre, puis renouvelé son opposition à la centrale. Il y avait sans doute quelques élus locaux de bon sens à l’époque. Plus tard, certains soi-disant responsables, de quoi, on se le demande , ont pu tenir des propos excessifs voire extravagants, mélangeant la marée noire du Tanio et les combats de PLOGOFF, en condamnant les « irresponsables qui combattent à priori et avec violence les nouvelles possibilités de développement énergétique qui sont proposées aux bretons, notamment dans le Sud-Finistère ».
Je serais curieux de connaître l ‘expérience de ce rigolo qui parle avec tant d’assurance du combat, et qui n’a pas signé son propos puisqu’il s’est exprimé au nom d’un secrétariat. Pour ma part, n’ayant pas de secrétariat, je parle en mon nom personnel et je signe Je serais également curieux de savoir ce qu’il connaît du Cap-Sizun. Chiche qu’il n’est pas capable de me conduire à Poulmoztrec’h (Poulmostrée) ou à Toul Ar marc’h Du. On a le droit de parler de ce que l’on connaît et pour le reste, mieux vaut se taire. D’abord, il n’y a pas eu de combat à PLOGOFF, mais une lutte à armes inégales puisque l’argument de base utilisé par les Capistes pour leur défense contre une troupe en armes, à l’intérieur des limites administratives de leur commune, était le caillou, ‘’ar maen,’’ qui pousse chez nous, à profusion . Ceci simplifie les problèmes logistiques de stockage et de ravitaillement Je répète que les Capistes étaient tout de même chez eux, sur la terre qui les a vu naître et que la centrale venait à eux, par ‘’forces de la légalité interposées’’, alors qu’ils n’étaient pas demandeurs en la matière. Le ‘’ soi-disant combat’’ venait les chercher. Le soi-disant combat violent contre les nouvelles possibilités de développement énergétique, opposant les forces de la légalité aux plogoffistes n’a jamais eu lieu en dehors de la commune, hormis quelques barrages de routes, sous la forme d’ouvrages statiques destinés à ralentir la progression des véhicules jugés indésirables. Les Plogoffistes n’avaient pas besoin de sortir de leurs frontières si l’on peut dire car les éléments de l’affrontement venaient d’ailleurs pour les rencontrer chez eux. Ce n’est pas un combat, mais plutôt une agression sur ordre et organisée en conséquence.
René Pichavant a raison quand il parle de « réaction viscérale des gens de PLOGOFF,celle d’un peuple qui a su depuis longtemps résister au roc, au vent et à la mer, un peuple qui sait que la nature elle aussi exige des sacrifices, mais des sacrifices qui les maintiennent en vie… ».
Bel intermède aussi à GOULIEN, ! Tiens ! Tiens ! Le pays de mes racines !! Bel enterrement !
« Ci-git GOULIEN mort d’avoir voulu vivre »
Gast !! Voilà au moins qui n’est pas parler pour ne rien dire !!
Merci au prêtre d’occasion, Yves Rozec, ancien séminariste pour ne pas le nommer, aujourd’hui adjoint au maire de sa commune. Christian Pelras a parfaitement décrit la cérémonie. Il fait aussi remarquer par ailleurs que, (page 437), je cite :
« Les anciens partisans de la centrale nucléaire, peut-être un peu mal à l’aise pour défendre une position qui a maintenant mauvaise presse, disent plutôt d’eux-mêmes qu’ils n’étaient ni pour ni contre ».
Ils étaient sans doute du côté d’où vient le vent, vent qui souffle aujourd’hui dans les éoliennes, faisant coucou et même un bras, dont on dit parfois qu’il peut être d’honneur, à la centrale. Dans le cas particulier , disons plutôt une ‘’pale d’honneur ‘’!! Merci à vous ‘’GAOLEJENN GOULIEN ( crâneurs), et même aux autres, les ‘’PLOUKED BEUZEC’’ (ploucs), les ‘’KOLOCHISTROU ESQUIBIEN’’ (maniérés), les ‘’POLOSERIEN PRIMEL’’ (mangeurs de prunes), les ‘’POCHOU GWINIZ KLEDEN’’ (sacs de blé), les ‘’POCHOU KRANKED PLOUGON’’ (sacs de crabes). Un ‘’Retourné au Pays’’ qui est des vôtres , peut se permettre ce vocabulaire, en termes affectueux. L’affaire de PLOGOFF appartient à notre histoire . Dommage que l’on ne sache pas toujours s’en souvenir ; en tous cas , pas assez, puisqu’elle a tout de même servi de tremplin à quelques arrivistes « guettant quelques profits, quelques prébendes, quelque utilisation de leur connivence, voire quelques honneurs, ces hochets de vanité ». ( Pichavant , page 272 ). Gageons que la course aux ’’bananes’’, vocabulaire militaire pour désigner les décorations, va se poursuivre par tous ceux qui, guettant la moindre brise venant par tribord amures ou par ailleurs, sont plus soucieux de présenter en toutes circontances leur meilleur profil aux indiscrètes caméras de la médiatisation , que de se consacrer à leur mission.
Mais, pour clore ce chapître, je voudrais citer un maître dont personne ne contestera l’autorité. Voici ce qu’écrit Per- Jakez Hélias, (auteur du cheval d’orgueil) :
« et tout le monde s’étonne douloureusement à chaque révolte qui éclate, parce qu’on n’a pas pris soin de comprendre les gens. Ne pas comprendre les politiques, ce n’est pas grave. Ils ne tiennent pas tellement à être compris mais élus. Elus et ensuite obéis. Et s’ils n’obtiennent pas l’obéissance, ils ne se font pas scrupule de changer ce qu’ils appellent leur projet de société. Mais, auparavant, il leur arrive d’envoyer la garde prétorienne pour intimider l’électeur qui outrepasse son droit d’urne. Votez, nous ferons le reste.
L’électeur, lui n’a pas confiance…Voilà ce qu’il dit l’habitant de 2 ème classe »
.
Sans commentaire !!
Mais, en tant que connaisseur en matériel militaire, je pense aussi pouvoir parler des moyens utilisés à PLOGOFF par les forces de la légalité, puisqu’il s’agit des moyens en dotation dans les unités à mon époque. Je veux parler des grenades. René Pichavant parle des grenades au bromacétate d’éthyle qui rend aveugle. J’avoue ne pas connaître ce matériel. Il s’agit peut-être de grenades lacrymogènes qui sont des moyens spécifiques au maintien de l’ordre et qui provoquent une irritation des yeux et des larmes abondantes. Leur effet est limité dans le temps. Les militaires de mon époque n’étaient généralement pas engagés pour faire pleurer immédiatement et ne connaissaient donc pas ce matériel. J’ai eu l’occason de participer au ‘’maintien de l’ordre’’ en milieu urbain, dans des situations exceptionnelles, sans disposer de ce type d’engins. Je ne peux donc parler que des grenades à main classiques qui se classent en 2 catégories : les offensives et les défensives.
Les défensives, dites quadrillées, sont destinées à tuer. Le corps en fonte se fragmente à l’explosion en une multitude d’éclats meurtriers. Elles n’ont bien entendu pas été utilisées à PLOGOFF, car sinon aujourd’hui, on compterait encore les morts.
Les offensives sont constituées d’un corps en tôle fine contenant une petite quantité d’explosif genre TNT. Elles sont utilisées dans la phase offensive du combat (quand il y a combat), pour neutraliser l’adversaire avant l’assaut. Elles neutralisent comment ? Par effet de souffle qui surtout abasourdit ou assomme légèrement celui qui le reçoit, et lui fait perdre ses réflexes agressifs, sans le tuer ni le blesser gravement, ce qui permet sa capture éventuelle. La seule projection dangereuse est le bouchon allumeur qui, reçu dans un œil peut blesser assez sérieusement. Cette grenade n’est pas dangereuse en tant que telle, sauf si elle explose dans la main. Elle peut alors arracher plusieurs doigts, voire la main entière.
Ce dernier type de grenades a-t’-il été utilisé à PLOGOFF ? Le général Charlot dit non. Le Lieutenant Vergès dit oui (cf, émission de télévision du 27/5/2000).Je laisse à chacun son point de vue et la responsabilité de ses affirmations, pour dire bravo à tous les responsables civils, militaires, puisque tout est bien qui finit bien : il n’y a pas eu de mort, ni civil, ni militaire. Pas de centrale non plus d’ailleurs, et c’est tant mieux !!
Mais rien ne dit qu’il n’y en aurait pas eu si les élections présidentielles de 1981 avaient connu un résultat différent. Nous nous serions trouvés devant un cas de figure de centrale imposée à une population qui n’en veut pas . Et là, Dieu seul le sait !!
Mais, PLOGOFF a fait école. 21 ans après, MILIZAC : VAL OUEST. Les Bretons connaissent. L’usine géante de traitement de lisier envisagée à MILIZAC contre l’opinion de la population, finalement refusée par les autorités. Plus près de nous, en Bigoudénie, PLOMEUR. Un referendum organisé par une municipalité malgré l’avis défavorable des instances de tutelle pour connaître l’avis des électeurs sur un projet routier. Et sûrement bien d’autres exemples !! Oui, PLOGOFF a fait école. J’y reviendrai dans un chapitre consacré à la politique, sujet qu’il faudra bien aborder un peu plus loin.
Pour terminer, parlons du racisme précédemment cité. Le livre ‘’Femmes de PLOGOFF’’ y fait allusion :
Page 43 : il y aura beaucoup d’étrangers, vous savez bien que ce n’est pas une vie normale
Page 121 : 200 entreprises qui viennent travailler à PLOGOFF. On n’admettra jamais çà. Voir des étrangers venir chez nous ! Pendant que nos hommes vont travailler ailleurs…
Christian Pelras, quant à lui, écrit :
Page 315 : Les non-Capistes sont moins qu’autrefois sentis comme des étrangers, bien que ce sentiment soit encore vivant…La personnalité capiste n’est pas morte. Elle survivra même sans doute encore assez longtemps
Page 415 : entre les habitants originels et les néo-résidents, ou les résidents secondaires, il y a parfois dans les villages des frictions dûes à des différences de mentalités et d’habitudes ; ces différences existent d’ailleurs aussi avec des personnes nées à GOULIEN et revenues y vivre après leur retraite……Ce qui frappe les ‘’retournés au pays’’, c’est la différence de mentalité.
Bien vu, Monsieur Pelras, bien que vous ne donniez pas toute l’explication. Il faut savoir, en effet, et je l’ai déjà dit, que si l’opinion publique locale ne pardonne pas l’échec à ceux qui se sont exilés, elle ne pardonne pas davantage la réussite à ceux qui reviennent , accusés de rapporter dans leur bagages le mépris de ceux qui sont restés. En fait, il s’agit sans doute et tout simplement de comportements très courants, consistant à regarder le train de vie du voisin, avec parfois une certaine amertume dont la source se situe au niveau des péchés capitaux tel l’envie (jalousie). Rien que de très ordinaire en somme, tant qu’il n’y a pas exacerbation, ni d’un bord ni d’un autre.
La mot de la fin sera réservé à Henri Goardon, page 81 :
« Jusqu’en 1914, les Capistes étaient de terribles ‘’racistes’’, tous ceux qui n’étaient pas du Cap étaient appelés ‘’étrangers’’ » .
Les choses ont-elles chang é ? Qui peut le prouver ? Aujourd’hui, on dit ‘’touriste’’, avec un petit sourire, un petit air de supériorité. Cela ne va pas plus loin, tant que le nouveau venu se montre respectueux du contexte et des gens, et surtout de notre bel environnement. Dans le cas contraire… !!!
Voilà ce qu’il n’est peut-être pas inutile de savoir sur le Cap pour comprendre. Comprendre le Cap, comprendre PLOGOFF et pourquoi PLOGOFF ! Ce fut une erreur psychologique monumentale commise à l’égard d’une population pacifique qui ne demandait qu’à le rester. Cette population a su allumer la flamme du Cap. Cette flamme fait partie de notre histoire, de notre patrimoine et de notre mémoire. Aujourd’hui, PLOGOFF a retrouvé son calme mais,
PASSANT, SOUVIENS TOI !!
Car ils et elles n’ont rien oublié !!!

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A Suivre Ma Bro Ar C'Hap Gwechall suite 18

 (La goémon -Le chateau de Locquéran)

 

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3 novembre 2013 7 03 /11 /novembre /2013 21:20

Ma Bro Ar C'Hap Gwechall suite 18

Le Goëmon


Comme dans beaucoup d’endroits en Bretagne, le Cap-Sizun est à moitié tourné vers la terre et à moitié vers la mer. La mer, mer nourricière, fournit gratuitement deux éléments sur le littoral : le sable et le goëmon. Le sable est régulièrement prélevé par les agriculteurs pour amender les terres. Quant au goëmon, ses qualités étaient notoires comme engrais au profit des sols, avant que ne soient connues les possibilités de transformation, à usage industriel et commercial. Il existe deux types de goëmon : le goëmon de coupe récolté dans l’eau, et le goëmon de laisse, apporté sur le rivage par la marée .
La côte nord du Cap-Sizun, nous l’avons vu dans la présentation générale, est constituée de falaises abruptes, peu favorables à la récolte des laisses de mer. C’est donc sur la côte sud, plus plate, que se situent les activités goëmonières, activités qui s’étendent d’ailleurs jusqu’en Bigoudénie. La récolte du goëmon présente deux grands intérêts :
- un intérêt agricole, en récoltant gratuitement un produit d’enrichissement de la terre
- un intérêt commercial, donc économique, ce qui va entraîner inévitablement quelques rivalités au niveau des clochers.

1 – Rappel historique-

11- Cahiers de doléances de PRIMELIN - ( déjà cité)
Demande de permettre aux habitants des paroisses riveraines, sur les côtes de la mer, de prendre également des goëmons que les flots de la mer ont détachés et jetés sur les grèves. Que PRIMELIN puisse sécher sur….etc (il s’agit de la plage de Trez-Goarem en ESQUIBIEN)

 

 


12- Cahiers de doléances d’ ESQUIBIEN- (id°)
Non jouissance de PRIMELIN sur la palue de Trez-Goarem , sinon on rendra déserts les villages qui l’entourent… et par là, on mettra et réduira à la mendicité une trentaine de familles.
13- Monographie de CLEDEN-CAP-SIZUN - Daniel Bernard (page 12 ) Je cite :
Dès 1822, la municipalité de CLEDEN avait demandé l’ouverture d’une voie d’accès vers le Loch pour permettre à ses administrés de s’approvisionner en sable et goëmon….Les habitants de PLOGOFF et PRIMELIN qui voulaient se réserver le monopole de l’extraction du sable et de la récolte du goëmon, firent leur possible pour contrecarre la réalisation de ce dessein.
Désireuse d’arriver à ses fins, la municipalité de CLEDEN fit ouvrir en 1848-1849, la fraction de chemin comprise dans son territoire. Devant cette initiative, les adversaires du projet durent s’incliner. Ce qui restait à construire sur le domaine de la commune de PLOGOFF, au pied de la colline de Landrer et le long des marais du Loch, fut effectivement terminé en 1855.

La lecture de la suite de l’ouvrage de Daniel Bernard est édifiante au sujet des communications entre CLEDEN et AUDIERNE, par le contournement du village de Brezoulous en CLEDEN pour aboutir à Kerloa et la D784 en PRIMELIN. Je me souviens de l’époque de la ‘’SATOS’’ ; les ‘’fayots’’ permissionnaires domiciliés à CLEDEN empruntaient cet itinéraire pour rejoindre Rugolva en PRIMELIN, lieu de passage du car, à l’issue de leur permission.
Dernière remarque : Daniel Bernard parle de ‘’Prat Honest’’ en Primelin, ainsi nommé, par dérision, en souvenir des attaques qui s’y produisaient : Prat = pré, Honest = honnête.



14- Goulien, par Christian Pelras – Je cite :

page 299- C’est ainsi que depuis plus de 80 ans , ESQUIBIEN et PRIMELIN s’opposent à ce que soit construite une route qui traverserait le territoire de l’une ou l’autre et qui mettrait le bourg de GOULIEN à 3 kilomètres de la route nationale (aujourd’hui D 784), au lieu de 6 actuellement en passant par les Quatre-Vents. La municipalité de GOULIEN avait pourtant fait goudronner la route de Trevern jusqu’au ruisseau qui forme la limite, mais au-delà, elle n’est toujours prolongée que par un chemin étroit et boueux. Autrefois, ces communes fondaient leur refus sur la crainte que que les gens de GOULIEN ne viennent les concurrencer dans le ramassage du goëmon sur la côte sud. Aujourd’hui, cette activité est devenue tout à fait secondaire, mais on ne veut toujours pas construire la route.
J’ai souvent pratiqué cet itinéraire par Trevarha en ESQUIBIEN, à pied, pour me rendre à Langroas en CLEDEN. Je l’ai même fait en 2 CV Citroën. Aujourd’hui, un 4x4 serait plus approprié.
Page 313- D’où naissance des conflits entre les gens de GOULIEN et leurs voisins du sud qui s’opposaient à ce qu’ils passent chez eux pour aller ramasser du goëmon sur leur côte.


15- Registre des délibérations du conseil municipal de PRIMELIN-

1879- Monsieur Gloaguen (Jean Pierre Michel) de Kerloch, homme processif, rend impraticable le chemin du Loch pourtant nécessaire pour les pêcheurs et les cultivateurs qui vont chercher du goëmon au Loch
1891-Refus de classement du chemin vicinal de Trevern à Prad Honest dont la construction serait avantageuse pour les habitants de GOULIEN, mais serait préjudiciable à ceux du littoral (le goëmon…).
Demande de création d’un chemin vers Le Loch pour faciliter la récolte du goëmon.

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L’énumération ci-dessus me paraît suffisante pour faire ressortir l’intérêt et l’enjeu du goëmon destiné à enrichir la terre. Elle fait également ressortir les rivalités entre les communes de la côte sud et celles de la côte nord du Cap, lesquelles sont séparées en tout et pour tout, par une vallée et un ruisseau .

Synthèse des alliances et des rivalités

PLOGOFF + PRIMELIN alliés contre CLEDEN
PRIMELIN + ESQUIBIEN alliés contre GOULIEN
Antagonisme PRIMELIN- ESQUIBIEN

Il n’y a pas lieu de s’étonner alors si les Anciens de CLEDEN se rappellent les bagarres homériques qui opposaient à coups de lance-pierres, les gamins de PLOGOFF à ceux de CLEDEN, sur la limite administrative des 2 communes. A chacun son territoire. Il n’est plus temps d’évoquer Clochemerle, mais plutôt ‘’La guerre des boutons’’ de Louis Pergaud. Mais, quoi qu’il en soit, le goëmon n’a pas fini de faire parler de lui.

16- L’usine du Stum à AUDIERNE-

161-Evolution de l’industrie du goëmon-
Les algues étaient déjà cueillies et brûlées du temps de Colbert . Pour mémoire, on peut rappeler quelque dates :

- en 1681 : ordonnance de Colbert réglementant la récolte du varech et du goëmon
- en 1692, Louis XIV accorde à la compagnie de Saint-Gobain l’exclusivité de la cueillette
Le résidu de brûlage était populairement appelé ‘’soude ‘’. Riche en sel de sodium, il était utilisé pour la fabrication du verre et en savonnerie. Plus tard, la soude servira à fabriquer l’iode- (découverte de l’iode en 1812 par un chimiste français : Courtois. On découvre aussi les propriétés antiseptiques du produit).
La première usine est construite au CONQUET en 1830. L’industrie est florissante jusqu’à la découverte de l’iode à moitié raffiné au Chili en 1873. Commercialisé à prix compétitif, ce produit chilien est frappé de droits de douane pour protéger les produits de fabrication locale.

162- L’usine du Stum-
Elle a été créée en 1879 par la famille de Lécluse (Amédée et Emile). Elle aura à répondre à des besoins exceptionnels lors de la première guerre mondiale, le nombre de blessés augmentant la consommation et les besoins en iode. Chacun sait que les guerres font tourner la machine économique et industrielle.
Les gens de ma génération se souviennent des longs cortèges de tombereaux traînés par un cheval, transportant les pains de soude à l’usine du Stum, dirigée par Monsieur Jean Couic (par ailleurs organiste de la paroisse d’Audierne, et ancien du petit séminaire de Pont-Croix). Les pains étaient pesés après prélèvement d’un échantillon par le contremaître pour déterminer la teneur en iode.
On se souvient aussi des longues colonnes de fumée blanche montant dans le ciel, sur toute la côte de la baie d’AUDIERNE, de Penmarch à la Pointe du Raz. Dur labeur, consistant pour le goëmon d’épave à être d’abord sur les lieux, de préférence le premier, au bon endroit, au moment favorable de la marée. Travail de femmes qui, cotillons retroussés, entraient dans l’eau froide, jusqu’à la ceinture, armées de longs crocs pour gaffer le goëmon et le tirer sur la grève, avant de le remonter sur la falaise ou le déposer à un endroit tel qu’il soit hors de portée de la haute mer. Manutention à la main, transport par paniers ou attelage à cheval, mise en tas, surveillance, séchage, brûlage dans les fours à soude, pifonnage etc…
On peut revivre cette époque lors de reconstitutions annuelles à l’usage des touristes, à ESQUIBIEN par exemple, ou lire l’excellent ouvrage de Yves Bramoulé : Goëmoniers des Îles , éditions Le Télégramme. La visite de l’éco-musée de PLOUGUERNEAU ne doit pas non plus manquer d’intérêt. Témoignage du passé ! C’était hier. Aujourd’hui, la vie est plus facile. Raison de plus pour oublier ce qui nous a séparés et en particulier les frontières servant et alimentant les querelles d’intérêt, au profit de ce qui nous unit,
LE CAP-SIZUN.
Actuellement, le goëmon d’épave n’est plus ramassé que par quelques jardiniers amateurs. Les laminaires, surtout employés dans l’industrie chimique (cosmétologie), sont ramassés par bateau à l’aide d’un procédé mécanique ‘’le scoubidou’’, mis au point en Finistère Nord. La culture des algues, déjà pratiquée en Bigoudénie, n’a pas été expérimentée en Cap-Sizun.
C’est par ce chapître que je vais clore notre histoire, pour tenter d’analyser le Cap d’aujourd’hui. Encore un mot tout de même, à la suite de l’usine du Stum, pour parler de ses propriétaires qui ont marqué leur époque par leurs réalisations.

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Le château de LOCQUERAN

L’histoire du château de Locquéran, situé à l’embouchure du Goyen, se confond avec l’histoire de la famille de Lécluse, tant sur la commune d’AUDIERNE que sur celle de PLOUHINEC. J’ai déjà évoqué ce nom ( usine à DOUARNENEZ, goëmon, usine à soude). La commune de PLOUHINEC, en supplément du bulletin municipal N° 5 en a fait une synthèse à laquelle on peut se reporter
Jean Delecluze, originaire de Normandie, s’est installé à POUGOAZEC (par son mariage). La famille s’est enrichie dans le commerce maritime et l’exploitation des engrais de mer. Famille de notables, qui fournit des responsables locaux à AUDIERNE, PLOUHINEC, et même au département.
Dès le XVIII ème siècle, Jean Delécluze est fabrique de la trève d’AUDIERNE (équivalent de maire) . Un de ses descendants : Jean-Baptiste, est juge de paix du canton de PONT-CROIX pendant la révolution, puis président du tribunal de QUIMPER. Jean-Pierre, maire d’AUDIERNE, est autorisé à transformer son nom en 1868 : de Lécluze, auquel s’ajoute Trévoëdal (nom d’une propriété à BEUZEC) ;
Deux fils : Amédée et Emile, propriétaires de l’usine à soude, font construire chacun un château :
- Emile à AUDIERNE
- Amédée à PLOUHINEC.
Suite à une diminution de ses ressources, Amédée transforme le château de Locquéran, en hôtel pour invités payants. On y voit entre autres Guy de Maupassant (1895) et José Maria de Hérédia (1900). Malgré cet apport de ressources, le château de Locquéran est vendu à la fin de la première guerre mondiale.
Henri de Lécluze, fils d’Amédée, devient maire de PLOUHINEC. Avec son épouse, Jeanne Bertrande de la Brousse de Beauregard, ils organisent des secours pour les plus démunis pendant les hivers 1902-1903 et 1903-1904. Un atelier de dentelle est installé à Locquéran en 1904. Henri de Lécluze, Colonel de cavalerie est mobilisé en 1914 .
Le château devint propriété de la ville et de l’hospice d’AUDIERNE, et sert successivement de :
- colonie de vacances pour la ville de CRETEIL (1935)
- centre d’apprentissage féminin de 1946 à 1955, sous la direction de Madame Moan, figure audiernaise bien connue et aujourd’hui disparue .
Vendu récemment par la ville d’AUDIERNE , pour une somme bien modeste, le château est aujourd’hui un hôtel pour clientèle aisée .

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Pour terminer cette évocation des noms connus, on peut aussi noter que le patronyme Fatou, aujourd’hui allié à la descendance de la famille de Lécluze, était déjà porté en 1928 à POULGOAZEC, par un Capitaine de vaisseau : Alfred Fatou. Ce nom apparaît dans les documents ayant trait à la construction de l’abri du marin à POULGOAZEC. Aujourd’hui, le manoir de Suguensou, cité à propos de ‘’Toul ar Zoner’’ et d’un éventuel souterrain, appartient à la famille SERIEYX (Christian) et son épouse Gwladys Fatou .
C’est par ces mots que je vais mettre un terme à l’exposé de ce qui constitue, à mon point de vue, quelques uns des éléments essentiels de notre histoire permettant de mieux comprendre la situation actuelle. Place au CAP-SIZUN d’aujourd’hui !!

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 Le chateau de Locquéran

 

 

 

 

 

 

 

Ici s'achève la première partie du texte proposé: Ma Bro ar C'Hap Gwechall

Dans une deuxième partie nous parlerons du Cap d'aujourd'hui: Ma Bro Ar C'Hap Hirio

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